TVA à 10 % + crédit d'impôt : quel impact pour l'hôtellerie restauration ?

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault, photographié le 6 juin à l’hôtel Matignon lors du séminaire gouvernemental sur la compétitivité. Il s’apprête à annoncer les 35 mesures du « Pacte », fortement inspirées du rapport que Louis Gallois, l’ancien patron d’EADS, lui avait remis la veille.

Nouveau coup de théâtre. Dévoilé par Jean-Marc Ayrault, le « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » conduirait la branche à être soumis au taux de 10 % de TVA à partir du 1er janvier 2014, et en parallèle, à bénéficier dès 2013 du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mesure phare du pacte visant une réduction de 6 % du coût du travail. Le CICE pourrait donc compenser partiellement l’impact du passage de 7 à 10 %, qui sera neutre ni pour les établissements et leurs salariés ni pour les clients.
Pourtant, plusieurs incertitudes planent encore sur la future TVA. Malgré les déclarations gouvernementales récentes (Jean-Marc Ayrault puis Pierre Moscovici confirmant les 10 %) et celle du président de la République lors de sa première conférence de presse (affirmant que le taux serait de 10 % « une fois pour toutes »),, une initiative parlementaire « agressive » est toujours possible.
Certains députés de la gauche de la majorité militent pour un relèvement à 20 %. D’autres, comme Bruno Le Roux, patron des députés PS, plaident pour une différenciation des taux selon les types de restauration… Enfin, la profession prendra connaissance vers la mi novembre du bilan conduit par la ministre du Tourisme Sylvia Pinel, en concertation avec les professionnels. Ministre dont les services mêmes affirmaient ne pas exclure un retour au taux normal. Une belle cacophonie ! Ce n’est pas la première.

{{A télécharger : le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi}}



Ce n’est que notre analyse (mais on la partage !)

QUELQUES ASSURANCES ET BEAUCOUP D’INCERTITUDES

Ce dont nous sommes (à peu près) sûrs…

Au même titre que l’industrie et les services, la branche Hébergement Restauration bénéficiera à plein du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), tel qu’il est décrit dans le Pacte
-* Calculé en proportion de la masse salariale annuelle, le dispositif cible en effet les salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic (3 500 euros par mois). La grande majorité des salariés de la branche perçoivent des salaires proches de 1,1 fois le Smic.
-* Le salaire mensuel brut des salariés de la branche oscille autour de 1 621 euros (salaire moyen calculé par l’Acoss, caisse nationale des Urssaf). Le Smic interprofessionnel atteint pour sa part 1425,67 ? depuis le 1er juillet (sur une base de 35 heures).
-*A partir des informations disponibles l’économie générée par le CICE sur le coût du travail en HCR peut s’estimer à 5%, le maximum étant de 6 % selon le gouvernement.
-*Le CICE est toutefois assorti de contreparties : investissement, formation, qualité, embauche, recherche, développement. Il sera exclu de l’utiliser pour verser des dividendes.
Une TVA à 10 % permettrait aux HCR de conserver encore une marge potentielle significative par rapport au taux normal de TVA.
-*Sur une addition de 100 euros TTC (hors boissons alcoolisées), un établissement acquittait entre juin 2009 et décembre 2011 5,21 euros de TVA à 5,5%. Depuis le 1er janvier 2012, il acquitte 6,54 euros de TVA à 7 %. A partir du 1er janvier 2014, il acquittera 9,09 euros de TVA à 10 %. En cas de TVA à 20 %, il devra acquitter 16,67 euros.
-* Ainsi, toujours sur cet exemple de ticket à 100 ? TTC, en étant taxé à 10 % au lieu de 7 %, l’établissement reverserait 2,55 euros supplémentaires de TVA. En étant taxé à 20 % au lieu de 7 %, il reverserait 10,13 euros supplémentaires de TVA.
-* Pour compenser la baisse de leur chiffre d’affaires hors taxes induite par une hausse de la TVA, les établissements n’auront guère d’autres solutions que de jouer sur le couple prix-coût. D’où l’effet inflationniste et anti-emploi que provoquerait une forte augmentation de la TVA.

…Ce dont nous sommes presque certains, sauf…

– Si l’on se base sur les déclarations du premier ministre Jean-Marc Ayrault et du ministre de l’Economie Pierre Moscovici, et enfin, celle du président de la République lors de sa conférence de presse du 13 novembre, le futur taux de TVA appliqué à la restauration sera de 10 %,
-*Pourtant un coup de Trafalgar parlementaire, sous forme d’amendement instaurant un taux de 20 % n’est pas totalement exclu à ce stade. Politiquement, l’adoption d’un tel amendement, contre l’avis du gouvernement, parait improbable. A moins que le gouvernement ne se dédise. Ce qu’il vient de faire pour la TVA : François Hollande excluait toute hausse. Mais c’était pendant la campagne électorale…
-* A l’inverse, les organisations professionnelles multiplient les rencontres avec les députés pour les convaincre de maintenir la TVA à 7 %, arguant de l’impact mortifère pour l’emploi et le pouvoir d’achat d’une hausse de taux, même à 10 %. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?

…Et ce que nous ne savons pas encore

Le barème du crédit impôt et l’ensemble des textes législatifs et réglementaires d’application du CICE seront élaborés d’ici fin 2012.
-*Impossible à ce stade d’estimer à l’euro prêt l’économie générée par le CICE pour les HCR.
– En parallèle, il faudra attendre les conclusions du bilan du contrat d’avenir établi par Sylvia Pinel, la ministre du Tourisme, en concertation avec les professionnels, pour savoir si le gouvernement entérine définitivement le taux de 10 %. Et dans cette hypothèse, si il l’assortit de nouvelles contreparties, comme, par exemple, le maintien de la prime TVA plafonnée à 500 euros pour les salariés.

Conclusions provisoires…

Assortie au crédit d’impôt CICE, la hausse de la TVA à 10 % décalée d’1 an sera plus indolore.
-* Un chiffrage précis de la balance est impossible tant que les modalités du CICE sont pas connues.
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Texte : Jean-François Vuillerme

Photo : Yves Malenfer/Matignon

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