Ce rapport qui enflamme la profession, patrons et salariés

Syndicats patronaux, syndicats de salariés, côté à côte, pour cette conférence de presse organisée le 30 octobre au restaurant La Marquise, 111 rue de Vaugirard à Paris. De gauche à droite : Gérard Plomion, Gérard Guy (CPIH), Jean-Pierre Chedal (Synhorcat), Roland Héguy (Umih), Laurent Caraux (SNRTC), Jacques Barré (GNC), Didier Chastrusse (CFE/CGC). Non visibles sur la photo : Dejan Terglav (FO) et Michel Jeanpierre (CFTC).

{{Ecouter le témoignage des dirigeants patronaux et syndicaux et celui du député PS Thomas Thévenoud, auteur du rapport contesté par la profession.}}

Le député socialiste Thomas Thévenoud a présenté mardi 30 octobre son rapport d’information sur les conséquences de la baisse du taux de TVA dans la restauration à la Commission des Finances de l’Assemblée nationale. L’élu de la Saône-et-Loire affirme que les restaurateurs n’ont que très partiellement respecté les engagements pris dans le contrat d’avenir, Etat et consommateurs étant les grands perdants. Au nom du redressement des comptes publics, Thomas Thévenoud propose d’augmenter le taux de TVA à 19,6 % ou à 11- 12 %, et d’engager un « plan qualité restauration ».

Toute la profession crie au scandale, dénonçant les données erronées contenues dans le rapport et le péril que ses recommandations font peser sur l’emploi dans le secteur. HR-infos fait la synthèse des réactions et analyse les points clefs du document.

Le rapport Thevenoud à télécharger

Ce n’est que notre analyse (mais on la partage !)

Des arguments plutôt que des invectives


Sur la forme, il faudra y mettre les formes
, la colère est toujours mauvaise conseillère. Invectiver, menacer même Thomas Thévenoud (comme l’a fait André Daguin, qui n’en est pas à son premier débordement verbal) est indigne et contre-productif.
Sur le fond, la caricature n’est pas non plus recommandable. Pour en avoir lu le projet avec attention, (le document définitif n’étant pas disponible le 1er novembre, date de notre bouclage), affirmer sans nuance que le rapport du député socialiste est un tissu de contre-vérités n’est pas crédible et ne sert pas la cause de ceux qui le critiquent.
Aux chiffres apportés, aux analyses faites par ce spécialiste des finances publiques, les professionnels devront répondre point par point. Car ce document est à la fois éclairant (terme employé par Sylvia Pinel), documenté (bien qu’incomplet) et donc utile, d’autant qu’il s’agit de la première étude n’émanant pas de la profession. Mais il est également perfectible sur au moins deux points : la baisse de prix et les emplois créés. Il est même défaillant sur un troisième, essentiel pourtant : nous ne savons rien de la TVA encaissée et des autres recettes fiscales et sociales générées depuis 2009.
Nous ne nous attarderons pas sur les erreurs factuelles, mineures ou plus importantes, que nous avons relevées dans le texte. Ainsi, le contrat d’avenir n’a pas été signé le 28 mars 2009, mais le 28 avril pour une application au 1er juillet. Ainsi, les mesures sociales négociées en faveur des salariés grâce aux marges dégagées par le taux réduit ne s’élèvent pas à 817 millions d’euros mais à 917.
Pour reprendre l’expression employée par le parlementaire, le rapport commet surtout « le péché originel » de repenser le contrat d’avenir au lieu de se limiter rigoureusement à auditer celui en vigueur. Ainsi le scénario d’une conversion de la taxe en une baisse intégrale des prix, qui a sa préférence, a été écarté en 2009. L’Etat et les professionnels souhaitaient en effet que les salariés et les établissements obtiennent leur part de la marge dégagée. Les simulations du député sur les baisses de prix sont donc fausses et stériles. Il n’en reste pas moins qu’il a raison de dire que l’objectif de baisse fixé au contrat a été approché les premiers mois sans être atteint.
Sur l’emploi, l’analyse de monsieur Thévenoud est plus convaincante bien qu’incomplète. L’effet TVA, dit-il, ne compte que pour une partie des emplois créés entre 2009 et 2012, chiffrés à 6 500 par an. Un gain inférieur à l’objectif de 40 000 emplois additionnels sur trois ans. Mais pour compléter le bilan, il fallait qu’il incorpore également les emplois sauvés imputables au taux réduit, le nombre de défaillances d’entreprises ayant significativement baissé sur une partie de la période.
Le troisième maillon faible dans la démonstration Thévenoud tient à l’absence de bilan comparé sur la TVA encaissée. D’où provient ce montant annuel de 3,1 milliards d’euros présenté comme un manque à gagner fiscal ? Qui tombe d’ailleurs à 2,4 milliards une fois déduite l’économie de 600 millions provenant de la suppression des aides directes Sarkozy de 2004. Par ailleurs, quelles sont les autres recettes fiscales et sociales, qui compenseraient, en partie, en totalité, en excédant, cette moindre entrée d’impôts indirects ?
Le rapport Thévenoud n’a pas pu ou su reconstituer ce puzzle recettes-dépenses pourtant indispensable avant toute prise de décision sur le taux futur. Là est sa limite essentielle. Son scénario de remontée de taux manque par conséquent de fondements chiffrés.
Il reste une quinzaine de jours à l’équipe de Sylvia Pinel, aux services de l’Etat et aux professionnels pour consolider l’ensemble des données sur l’impact de la baisse de la TVA. Faisons leur confiance !

L’ANALYSE ET LES CHIFFRES AVANCES PAR LE RAPPORT THEVENOUD (extraits, citations)

> Une harmonisation salutaire des taux

-* «La baisse du taux de TVA dans la restauration a permis d’harmoniser les taux de TVA pour l’ensemble du secteur en gommant l’avantage comparatif dont bénéficiait la restauration rapide»

> « »Le péché originel » : une baisse de prix marginale et limitée»

-* «La TVA étant un impôt indirect sur la consommation, une baisse de taux aurait dû être intégralement répercutée sur les prix, la baisse théorique attendue aurait dû être de 9,7 %»
»
-* «Une étude de l’association UFC Que choisir fondée sur des relevés de prix entre juin 2009 et janvier 2010 sur 1 544 restaurants de toute gamme situés dans 62 départements montre que seulement un restaurateur sur quatre a effectivement baissé ses prix dans les proportions définies par le contrat d’avenir»

> « Des mesures de modernisation limitées et non évaluées»

-* «Les études de l’INSEE ne montrent pas d’augmentation significative de l’investissement dans la restauration et même une légère diminution.»
-* «Le Fonds de Modernisation de la Restauration n’a pas été utilisé. Or, il aurait permis avec Oséo de financer 1 milliard d’euros de prêts.»
-* «À ce jour, les cotisations (au FMR) ont représenté 54,4 millions d’euros mais n’ont pas permis de financer de prêts du fait de la difficulté à accéder aux prêts bancaires, préalable nécessaire à l’octroi d’un prêt Oséo»
-* «Il semble que les finances publiques aient subventionné principalement les investissements dans la restauration rapide.»
-* «Le contrat d’avenir prévoyait de porter à 3 000 le nombre de maîtres restaurateurs et l’avenant au contrat à 7 500. À ce jour, 1 800 maîtres restaurateurs nouveaux ont été formés. Le résultat est donc nettement insuffisant.»

> «Un volet emploi et conditions de travail au bilan mitigé»

-* «La baisse du taux de TVA et la mise en œuvre du contrat d’avenir ont permis la relance d’un dialogue social en panne»
-* «817 millions d’euros ont été reversés aux salariés au titre de la revalorisation de la grille salariale et de la prime TVA»
-* «Le reliquat « ? soit un peu plus d’un milliard d’euros par an « ? a directement subventionné une création d’emploi trois fois moins importante que prévue et a permis des reconstitutions de marge»
-*« Entre juin 2009 et juin 2012 (…), la création d’emploi net a été de 69 660 soit 19 512 de plus que la tendance naturelle sur trois ans. In fine, 6 504 emplois représentent donc une dépense de personnels de 135,7 millions d’euros.»
-* «On peut considérer que les 6 504 emplois ont « coûté » à la collectivité publique 1 milliard d’euros soit une subvention de plus de 153 000 euros par emploi»

> «Augmenter le taux de TVA : une nécessité au vu des engagements partiellement tenus du contrat d’avenir et de l’obligation de redressement des comptes publics»

-*« Deux hypothèses de travail : restaurer un taux de TVA normal ou augmenter le taux de TVA réduit»
-*«Une augmentation sèche du taux de TVA dans le secteur pourrait s’accompagner d’une hausse des prix et en définitive d’une baisse de la consommation, moteur principal de la croissance française.»
-* «Compte tenu du contexte économique actuel, tout relèvement du taux de TVA dans la restauration nécessitera au préalable une étude d’impact précise menée en concertation par le ministère et les professionnels concernés»
-* «Toute augmentation du taux de TVA devra être accompagnée d’un « plan qualité restauration » (concerté avec les professionnels) permettant une montée en gamme du secteur et éligible aux établissements de moins de 20 salariés»
-* Ce plan porterait sur la qualité de l’accueil (bâtiments rénovés, personnels mieux formés et mieux rémunérés) et sur la qualité de l’assiette (transparence de la carte, traçabilité des produits favorisant les filières courtes)

> «Assurer le suivi des effets»

-*« Le Rapporteur déplore le manque de suivi des engagements du contrat d’avenir» (trois exemples cités)
-* Le comité de suivi du contrat prévu en 2009 et jamais mis en place s’assurera de la traduction concrète de ces objectifs
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Interview et reportage : Solenne Le Hen
Analyse : Jean-François Vuillerme

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