L'Assemblée adopte la taxe forfaitaire de 10 euros sur les contrats d'usage

Le jeudi 14 novembre 2019, l’Assemblée nationale a adopté l’article 51 du projet de loi de finances 2020 qui instaure une taxe patronale forfaitaire de 10 euros à compter du 1er janvier 2020 pour chaque contrat contrat à durée déterminée dit d’usage (CDDU). L’employeur acquittera la taxe à la conclusion du contrat. Son produit sera affecté à l’Unedic.

Cette taxation des CDDU avait été annoncée en juin 2019 par le ministère du Travail dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage. Avec l’instauration d’un bonus-malus pour les entreprises de plus de 11 salariés, c’est l’une des deux mesures prévues pour lutter contre la précarité et l’enchaînement des CDD ou des missions d’intérim.

Le dispositif a toutefois été assoupli par un amendement adopté en commission des Finances et approuvé par le Gouvernement, il dispose en effet que cette taxe ne sera plus appliquée aux branches d’activité qui signeront une convention ou un accord collectif ad hoc étendu par arrêté ministériel.

L’accord conclu avec les partenaires sociaux devra prévoir des limitations au renouvellement de ces CDDU et l’obligation faite à l’employeur de proposer au salarié un contrat de travail à durée indéterminée au terme d’une durée cumulée de travail effectif.

Le GNI (Groupement National des Indépendants), deuxième organisation professionnelle de la branche, s’est réjoui de cette exonération conditionnelle, qu’il a sans doute portée auprès des parlementaires, mais il exige un « sursis » d’un an pour négocier.

« Nos entreprises ne peuvent pas supporter l’augmentation du coût du travail que va entraîner cette taxe et elles n’ont pas de solutions alternatives, affirme Didier Chenet, président du GNI. Si nous acceptons le principe de négocier un tel accord pour ouvrir à nos entreprises l’accès à cette exonération, il faut reconnaitre que cela exige du temps pour négocier entre partenaires sociaux et aussi pour obtenir au terme de longs délais de procédures, les arrêtés d’extension et d’agrément exigés par l’amendement. »

Aziz Bentaleb, président des traiteurs Organisateurs de Réceptions au GNI, explique pour sa part : « Nos parlementaires ne peuvent pas continuer d’ignorer les exigences d’organisation et de fonctionnement de nos entreprises. Je leur demande instamment soit de renoncer à cette taxe soit de nous donner le temps nécessaire pour négocier. Il en va de la pérennité de nos entreprises et de leurs emplois. »

Le débat va se poursuivre au Sénat avant une ultime navette parlementaire. Le texte va sans doute évoluer au Sénat, le lobbying des organisations patronales aidant. Le gouvernement et l’Assemblée accepteront-ils en revanche de revenir sur le texte adopté 14 novembre ? C’est peu probable, sauf à se contredire, ou à améliorer sa rédaction, assez perfectible.

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Le jeudi 14 novembre 2019, l'Assemblée nationale a adopté l'article 51 du projet de loi de finances 2020 qui instaure une taxe patronale forfaitaire de 10 euros à compter du 1er janvier 2020 pour chaque contrat contrat à durée déterminée dit d’usage (CDDU). L'employeur acquittera la taxe à la conclusion du contrat. Son produit sera affecté à l'Unedic.

Cette taxation des CDDU avait été annoncée en juin 2019 par le ministère du Travail dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage. Avec l'instauration d'un bonus-malus pour les entreprises de plus de 11 salariés, c'est l'une des deux mesures prévues pour lutter contre la précarité et l’enchaînement des CDD ou des missions d’intérim.

Le dispositif a toutefois été assoupli par un amendement adopté en commission des Finances et approuvé par le Gouvernement, il dispose en effet que cette taxe ne sera plus appliquée aux branches d'activité qui signeront une convention ou un accord collectif ad hoc étendu par arrêté ministériel.

L'accord conclu avec les partenaires sociaux devra prévoir des limitations au renouvellement de ces CDDU et l'obligation faite à l'employeur de proposer au salarié un contrat de travail à durée indéterminée au terme d'une durée cumulée de travail effectif.

Le GNI (Groupement National des Indépendants), deuxième organisation professionnelle de la branche, s'est réjoui de cette exonération conditionnelle, qu'il a sans doute portée auprès des parlementaires, mais il exige un "sursis" d'un an pour négocier.

« Nos entreprises ne peuvent pas supporter l’augmentation du coût du travail que va entraîner cette taxe et elles n’ont pas de solutions alternatives, affirme Didier Chenet, président du GNI. Si nous acceptons le principe de négocier un tel accord pour ouvrir à nos entreprises l’accès à cette exonération, il faut reconnaitre que cela exige du temps pour négocier entre partenaires sociaux et aussi pour obtenir au terme de longs délais de procédures, les arrêtés d’extension et d’agrément exigés par l’amendement. »

Aziz Bentaleb, président des traiteurs Organisateurs de Réceptions au GNI, explique pour sa part : « Nos parlementaires ne peuvent pas continuer d’ignorer les exigences d’organisation et de fonctionnement de nos entreprises. Je leur demande instamment soit de renoncer à cette taxe soit de nous donner le temps nécessaire pour négocier. Il en va de la pérennité de nos entreprises et de leurs emplois. »

Le débat va se poursuivre au Sénat avant une ultime navette parlementaire. Le texte va sans doute évoluer au Sénat, le lobbying des organisations patronales aidant. Le gouvernement et l'Assemblée accepteront-ils en revanche de revenir sur le texte adopté 14 novembre ? C'est peu probable, sauf à se contredire, ou à améliorer sa rédaction, assez perfectible. "
Arguments de la ministre Murielle Penicaud : le nombre de CDDU d'1 ou 2 jours a explosé, ce qui aggrave la précarité du travail et le déficit de l'assurance chômage ; cette taxe n'est pas une taxe supplémentaire, elle se substitue, pour un montant attendu comparable (50 millions d'euros), à la majoration de 0,5 % de la cotisation chômage jusqu'en avril 2019. Photo : Eric Limon / Adobe Stock.
Les débats parlementaires portant sur cet article 51

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8431071_5dcdb76ba4932.3eme-seance–projet-de-loi-de-finances-pour-2020-seconde-partie–articles-non-rattaches-suite–14-novembre-2019
 
http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2019-2020/20200070.asp#P1922937

Les arguments des défenseurs de la taxe

Le député LREM Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
« Pourquoi est-il urgent d’agir ? Les CDDU sont très dérogatoires et placent les travailleurs dans une situation de totale insécurité et de précarité, les privant de visibilité, de progression, de capacité à se projeter dans l’avenir et de formation. La part des CDDU dans les embauches a explosé : un contrat sur cinq conclus en 2017 était un CDDU, soit 8 millions au total. Les CDDU d’une journée ou moins représentent 42 % des CDDU conclus.
Les secteurs d’activité concernés demandent d’attendre, afin d’engager une concertation, et s’opposent à toute action brutale. Je rappelle tout de même que le Gouvernement lutte activement contre la précarité salariale depuis 2013 ; il a demandé aux secteurs d’agir, mais rien n’a été fait. L’inaction pendant des années impose un changement de méthode, et nous choisissons celle de la taxe incitative. 
Pourquoi une taxe de 10 euros par contrat ? Parce que la majoration de 0,5 % de la contribution d’assurance chômage due par les employeurs, mise en place en 2013, s’est révélée inefficace, comme le souligne l’IGAS dans son rapport. Pour être efficace, il faut cibler les contrats les plus courts : c’est ce que fait la taxe forfaitaire, puisque ses effets se concentrent sur les CDDU très courts, d’une ou deux journées ; l’impact est résiduel, voire presque nul, à partir d’une semaine.»
Murielle Penicaud, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

« D’un point de vue global, cette taxe ne constitue pas une nouvelle contribution perçue sur les entreprises – ce point est très important. En effet, jusqu’au mois d’avril 2019, celles-ci s’acquittaient d’une taxe de 0,5 % sur chaque CDDU décidée par les partenaires sociaux, dont le produit était d’environ 50 millions d’euros.

Lors de la réforme de l’assurance chômage, nous avons décidé de ne pas appliquer uniformément cette taxe, qui frappait aussi les CDDU de trois ou six mois, mais de la cibler sur les contrats de très courte durée, pour une recette fiscale similaire. Globalement, le niveau de taxation des entreprises n’augmentera donc pas ; nous nous contentons de cibler la taxe sur le recours excessif aux contrats courts. »

 

L’article 51 à l’issue de sa première lecture à l’Assemblée nationale

Les paragraphes en italique correspond aux amendements adoptés en Commission des finances et lors des débats
Article 51I.–Tout employeur est soumis à une taxe forfaitaire dont le montant est fixé à10€pour chaque contrat à durée déterminée dit d’usage qu’il conclut en application du3°de l’article L.1242-2 ducode du travail. La taxe est due à la date de conclusion du contrat.Le produit de cette taxe est affecté à l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné au premier alinéa de l’article L.5427-1 du même code.
II – L’article ne s’applique pas :
1°Aux contrats conclus avec les salariés relevant des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle mentionnés à l’article L.5424-20 du code du travail
–2°Aux contrats conclus par les associations intermédiaires mentionnées à l’article L.5132-7 du même code relevant du secteur des activités d’insertion par l’activité économique;
3°Aux contrats conclus avec les ouvriers dockers occasionnels mentionnés à l’article L.5343-6 du code des transports;
4°(nouveau) Aux contrats conclus dans les entreprises relevant de secteurs d’activité couverts par une convention ou un accord collectif de travail étendu prévoyant une durée minimale applicable à ces contrats et définissant les conditions dans lesquelles il est proposé au salarié de conclure un contrat de travail à durée indéterminée au terme d’une durée cumulée de travail effectif. Les secteurs d’activité couverts par une convention ou un accord collectif comportant de telles stipulations font l’objet d’un arrêté du ministre chargé du travail.
III. –1 .La taxe mentionnée au I est recouvrée et contrôlée par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales et les caisses générales de sécurité sociale mentionnées aux articles L.213-1 et L.752-1 du code de la sécurité sociale ainsi que par les organismes mentionnés à l’article L.723-1 du code rural et de la pêche maritime,selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables en matière de cotisations et de contributions de sécurité sociale.
2. Par dérogation au 1 du présent III, le recouvrement de la taxe est assuré, selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties que celles mentionnées au même 1, par Pôle emploi lorsqu’elle est due au titre des salariés expatriés au sens de l’article L.5422-13 du code du travail.
3. La taxe est acquittée au plus tard lors de la prochaine échéance normale de paiement des cotisations et contributions sociales suivant la date de conclusion du contrat mentionné au I.
4. Les différends relatifs au recouvrement de la taxe relèvent du contentieux de la sécurité sociale.
IV (nouveau).–Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2022, un rapport sur les effets de la taxe prévue au premier alinéa du I du présent article en matière de recours aux contrats à durée déterminée dits d’usage, en indiquant l’évolution, depuis 2020, du nombre de contrats conclus, de leur durée et de la part des reconductions successives avec le même travailleur par le même employeur. Ce rapport fait également état de l’impact financier direct et indirect de la taxe sur le régime d’assurance chômage. Il présente en outre l’impact de la taxe, pour les secteurs d’activité qu’elle concerne, en matière économique et en matière de niveau de déclaration des embauches effectuées.

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