Lors d'une deuxième séance de négociations, les organisations d'employeurs ont proposé une grille conventionnelle de salaires représentant, selon leurs calculs, une hausse moyenne de 16,3 % par rapport à celle de 2018, en vigueur mais largement obsolète, le Smic ayant dépassé ses cinq premiers seuils. Les syndicats de salariés reconnaissent une offre améliorée mais déplorent que le patronat ait reculé à 2022 les discussions sur les conditions de travail, autre sujet clef pour l'attractivité des HCR. Ils ont jusqu'au 17 janvier pour accepter cette grille ou s'y opposer.
(Mise à jour 21 décembre : la CFDT signataire de l’accord)
La proximité physique des négociateurs, ce 16 décembre, aurait elle eu le pouvoir de rapprocher leurs positions ? Peut-être sur les salaires minima conventionnels. Assurément pas sur tous les autres aspects des conditions de travail. Tout simplement pas abordés lors de la séance…
Pour ce deuxième round, organisé cette fois en présentiel dans les locaux de l’Akto, les quatre représentants des employeurs avaient rehaussé leur offre sur les salaires minima conventionnels. Le 18 novembre, ils proposaient 10,80 euros brut pour l’échelon 1 du niveau 1 (lire notre article). 10,90 euros pour l’échelon 2. Et 10,98 euros pour le 3. Le 16 décembre, ils offraient respectivement 11,01 euros (+ 1,94 % de plus), 11,09 (+ 1%) et 11,20 euros (+2 %).
Ces premiers échelons se situent sensiblement au dessus du Smic de droit commun. La réalité pour les salariés conduit à comparer leurs futurs minima, non pas avec le Smic actuel à 10,48 euros, mais avec le prochain à 10,57 euros. Celui qui entrera en vigueur à partir du 1 er janvier 2022. Sachant que la nouvelle grille ne sera applicable à toutes les entreprises de la branche qu’avec son extension à l’horizon février-mars 2022. Si rien n’entrave cette procédure, souvent sujette à des aléas juridiques et des oppositions syndicales.
Des hausses de 4 à 6 % sur les trois premier échelons
11,01 euros, c’est 4,2 % de mieux que le futur Smic. Quant aux échelons 2 et 3 de ce même niveau 1, ils lui seront supérieurs de 4,9 % et 5,96 %. Sur la base de 169 heures travaillées par mois, la rémunération mensuelle, sur la base de l’échelon 1 du niveau I, passerait donc de 1786,33 euros brut le 1er octobre 2021 à 1860,69 euros le 1 er janvier 2022.
Cette fois ci, les quatre centrales n’ont pas balayé d’un revers de la main cette grille version 2. Même si la CGT, la CFDT et FO, qui militaient pour 25 %, l’ont trouvée encore insuffisante.
« On ne peut pas donner plus dans un contexte sanitaire qui se durcit, avec des entreprises encore très fragiles, pas sorties du tunnel , a déclaré Thierry Grégoire, le négociateur de l’UMIH. Il faut savoir arrêter une négociation, on a fait le maximum .»
Côté gouvernement, qui a fortement peser sur les branches en non conformité sur le Smic, on se voulait optimiste sur l’issue. «Je pense qu’il y a des avancées substantielles qui ont été mises sur la table. C’est dans l’intérêt de tout le monde qu’on avance. J’espère que ça aboutira», a commenté sur France Elisabeth Borne. La station et ses auditeurs, le 16 décembre, interrogeaient la ministre du Travail dans le cadre de l’émission Le Téléphone sonne.
Grandes oubliées
Elisabeth Borne se souvenait avoir écouté dans une agence Pôle Emploi, un cuisinier demandeur d’emploi, expliquant à un restaurateur qu’il avait retrouvé une vie de famille le soir depuis la crise, et qu’il refuserait désormais un poste de nuit payé au Smic. Ce que la ministre comprenait. Elle estimait que les entreprises devraient veiller à mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle de leurs salariés, en aménageant pour cela leurs conditions de travail.
Les conditions de Travail justement… La grande oubliée aux yeux des syndicats. Tout comme le 18 novembre, leur frustration semble d’abord tenir à ce qu’ils ressentent comme un escamotage. Les employeurs, ils ne s’en étaient pas cachés, ont clairement voulu découpler le sujet salaires des autres sujets. Plus conflictuels encore, il est vrai, et au point mort depuis deux décennies… Les coupures. La rémunération des heures sup (toujours bloquée à 10 %). La récupération des heures de nuit et de week-end. Etc.
Dans cette branche, le patronat fixe l’ordre du jour et le tempo des négociations. C’est ainsi ! Et il n’y avait pas fait figurer les conditions de travail pour 2021. Mais il l’assure, elles y entreront l’an prochain. En tout cas, trois dates ont été arrêtées pour en discuter : 22 février, 29 mars et 31 mai 2022.
Un gros préalable à la signature d’un accord sur cette grille de salaires
Que va-t-il se passer ? A ce stade, CFDT, FO et CFE-CGC, les trois syndicats interrogés par HR-infos, réservent leur signature. La CGT, pour sa part, a définitivement tranché. « On ne signera pas ce texte , a déclaré son négociateur Stéphane Fustec, mais on ne s’y opposera pas. »
LA CFDT et la CGC, et même FO, admettent des améliorations significatives par rapport à la première proposition de grille. Mais à l’instar de la CGT et de FO, elles déplorent cette mise à l’écart délibérée des conditions de travail.
« Nous dérogeons au code du travail dans de nombreux domaines. A commencer par les heures supplémentaires rémunérées à 10 % au lieu de 25 %, déplore Didier Chastrusse, de la Confédération des cadres CGC. Cela fait 20 ans que l’on signe des chèques en blanc. La CFE-CGC ne sera pas signataire si nous n’avançons pas sur les conditions de travail. »
Analyse similaire à la CFDT. On juge la grille « honorable, nous pourrions la signer », déclare Samuel Yim (l’un des trois négociateurs) aux Echos. Mais le bas blesse sur l’absence d’agenda social. « La grille nous conviendrait, rajoute Stéphanie Dayan, secrétaire confédéral de la CFDT. Encore faut-il avancer sur tous les autres sujets, verrouillés depuis 15 ans. qui sont pourtant aussi importants pour les salariés. Il nous faut des engagements clairs de la part des organisations patronales de mettre à l’ordre du jour des sujets précis et centraux. On ne peut pas se contenter de trois dates sans contenu. »
Accord ou opposition ? Deux hypothèses théoriques et un scénario, l’opposition, déjà vécu…
Côté patronat, la situation est très claire, ses quatre organisations ont signé… Côté syndical, la grille doit obtenir d’ici le 17 janvier l’accord des syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés dans la branche. La seule signature de la CFDT pourrait suffire, par exemple. Oui, mais voilà, cette seule condition ne suffirait pas. Car d’autres syndicats pourraient aussi, simultanément, s’opposer. Si la grille fait l’objet d’une opposition d’une ou plusieurs OSR ayant obtenu au moins 50% des suffrages exprimés.
Le calendrier est piégeux pour les syndicats. La date de la première réunion sur les conditions de travail est postérieure à la date butoir du 17 janvier. Ils peuvent donc difficilement subroger leur signature à un engagement patronal préalable.
Ne pas signer d’accord, ou pire même s’y opposer, contreviendrait, à court terme, aux intérêts de centaines de milliers de salariés de la branche rémunérés aux minima conventionnels. Mais on ne peut tout à fait exclure cette hypothèse. Surtout si le patronat ne donne aucune garantie aux syndicats de sa volonté de négocier vraiment sur les points noirs.
En avril 2009, année de négociation du contrat d’avenir, qui fixait les contreparties à l’instauration du taux réduit de TVA, trois syndicats (FO, CGT, CFTC) sur les cinq représentatifs s’étaient opposés à un accord de branche. En décembre, les cinq, y compris la CGT, signaient un accord significativement amélioré, avec un accompagnement majoritaire du patronat de l’époque (Synhorcat, Fagiht, CPIH). L’Umih et le GNC s’étaient abstenus.
L’histoire se répètera-t-elle ? Le contexte économique est sensiblement différent. Les entreprises de la branche ont moins les coudées financières franches qu’à cette époque. Bien qu’elles aient été massivement aidées depuis mars 2020, et cela sans contrepartie. Mais le contexte social, lui aussi, est différent. Les attentes des salariés ont évolué. Ils ne sont plus prêts à supporter autant de contraintes, autant de sacrifices même parfois, sur leur vie personnelle et familiale. La pénurie de candidats s’est logiquement accrue. Et l’opinion publique ne s’y trompe pas.
Mise à jour du 21 décembre : la CFDT signera l’accord
Dans un communiqué publié le 21 décembre, la CFDT-Services indique qu’elle signera l’accord sur les salaires. Mais elle précise avoir conditionné sa signature à des négociations sur les conditions de travail des salariés. Selon le deuxième syndicat de la branche, « les organisations patronales ont fini par prendre l’engagement de déclencher des négociations sur le sujet dès le 22 février 2022. »
A ce stade, l’accord sur les salaires minima de branche devrait donc aboutir. A partir du18 janvier, il entamera la procédure d’extension obligatoire à toutes les entreprises de la branche. Seule obstacle en théorie possible : l’opposition de syndicats ayant obtenu au moins 50% des suffrages exprimés. Un scénario peu probable. En effet, la CGT, premier syndicat de la branche avec 36,27 % des suffrages exprimés, a fait savoir jusque là qu’elle ne ferait pas opposition à cet accord.
La CFDT rappelle ses revendications pour améliorer les conditions de travail et la qualité de vie des salariés :
- La fin du système dérogatoire des majorations des heures supplémentaires,
- L’encadrement et l’indemnisation des coupures,
- La majoration du travail de nuit, du week-end et des jours fériés,
- L’encadrement du travail du week-end et des jours fériés (garantir un week-end par mois de repos au minimum),
- La mise en place d’un accord égalité professionnelle,
- La mise en place d’un accord pour l’emploi des salariés en situation de handicap
La grille de salaires minima conventionnels proposée à la signature
La grille des minima du 18 avril 2018 toujours en vigueur
Source : Avenant n° 28 du 13 avril 2018 relatif aux salaires minima conventionnels