Le 17 septembre, Tribunal de Commerce de Paris a rendu cinq décisions condamnant Axa France à indemniser cinq de ses assurés restaurateurs, pour un montant total de 240 000 euros. L'assureur prévoit de faire appel de ce jugement qui entretient selon lui « la confusion juridique ». Traiteurs de France a annoncé par ailleurs que plusieurs de ses adhérents allaient engager une action commune contre Axa.
Jusque là, les décisions des tribunaux en France se suivaient et ne se ressemblaient pas (lire notre article). Et ne statuaient que sur une seule plainte à la fois. Mais cette fois, coup sur coup, le Tribunal de Commerce de Paris a rendu cinq jugements de fonds similaires en faveur des restaurateurs. Leurs pertes d’exploitation cumulées s’élevaient à 314 000 euros dans la période de leur fermeture administrative. Axa devra les indemniser à hauteur de 240 000 euros. Si le jugement du 17 septembre est confirmé en appel.
Cette nouvelle décision, la quatrième sur le fond concernant Axa, constitue un revers judiciaire pour la compagnie. Les juges ont invalidé la clause d’exclusion du contrat souscrit par les cinq plaignants. Car elle ne respectait pas, défendait leur avocat, Guillaume Askil (cabinet Lincoln), les dispositions de l’article L.113-1 du code des assurances.
Axa, certes avait, obtenu gain de cause sur le fond devant les tribunaux de Toulouse et Bourg-en-Bresse. A contrario, le tribunal de Tarascon l’avait condamné à indemniser un restaurateur à hauteur de 104 000 euros. Par ailleurs, la compagnie du conclure en juin dernier un accord transactionnel avec Stéphane Manigold (lire notre article). Après deux mois d’un conflit très médiatisé par l’homme d’affaires parisien.
L’assureur avait du admettre d’ailleurs qu’il ne pourrait échapper à d’autres transactions du même type. Au motif qu’au moins une clause contenue dans près de 2 000 contrats de restaurateurs présentait une certaine ambiguïté. Et de ce fait, une fragilité juridique. Selon les Echos, Axa France aurait trouvé un accord avec la « la très grande majorité » des clients concernés.
Plus de 1 6000 transactions déjà conclues de gré à gré entre Axa et ses assurés restaurateurs
Cette bataille judiciaire est loin être terminée. 22 autres dossiers similaires attendent actuellement un jugement, selon maître Guillaume Askil. Qui ne craint pas d’affirmer que plus de 15 000 polices Axa pourraient faire l’objet d’une décision similaire.
Axa fait une analyse inverse. Elle explique qu’à ce stade, on ne peut pas dégager de jurisprudence, les décisions se contredisant. Et renforçant du coup, considère la compagnie, « l’extrême confusion qui règne sur la question des pertes d’exploitation, au détriment de l’ensemble des assurés et plus particulièrement des restaurateurs ». A ce jour, quatre tribunaux différents ont pris quatre décisions différentes. Deux en sa faveur, deux en sa défaveur. Certes, les tribunaux ont débouté deux restaurateurs dans deux de ces quatre affaires. Mais ils en ont indemnisé six dans les deux autres…
Par ailleurs, selon le média spécialisé, l’Argus de l’Assurance, la grande majorité des 20 000 restaurateurs assurés chez Axa France disposeraient de contrats standards incluant clairement des clauses d’exclusion du risque pandémie. En revanche, la compagnie aurait décidé d’indemniser une centaine d’autres restaurateurs titulaires de « vieux contrats » ne prévoyant rien dans ce domaine.
Enfin, apparait chez Axa un troisième et dernier type de contrats (non concernés par les jugements du 17 septembre). Certaines de ces polices contiendraient « des clauses insuffisamment précises dans le contexte pandémique du Covid-19 » . Du coup, selon l’Argus de l’Assurance, Axa France a accepté de conclure des accords individuels dans ce cadre avec plus de 1600 de ses assurés restaurateurs ayant souscrit à ces contrats « fragiles ».
Les réactions des parties prenantes
Guillaume Askil, avocat des cinq restaurateurs
« Ces affaires visaient à combattre une exclusion de garantie ubuesque, rédigée ainsi par AXA France IARD : « s’il existe, dans le même département, au moins un autre « établissement » « quelle que soit sa nature ou son activité » fermé pour la même cause, la « garantie perte d’exploitation en cas de fermeture administrative pour cause d’épidémie » n’a plus vocation à jouer. »
« Or, dans le cas d’une épidémie il est évident qu’il y aura, « au moins un autre » « établissement » situé dans le même département, fermé pour la même raison, de sorte que cette garantie n’aurait en réalité jamais vocation à jouer. Je suis heureux que le Tribunal de Commerce de Paris en ait convenu. »
Afrae Brasseur (Korus restaurant)
« Nous nous sommes sentis trahis lorsqu’AXA a refusé de nous garantir »
Jacques de Peretti, PDG d’AXA France
« La position du Tribunal de Commerce de Paris, contraire à celles des tribunaux de Toulouse et de Bourg-en-Bresse, renforce la confusion juridique et l’incertitude des assurés dans un contexte économique très difficile.
Tout en restant très préoccupés par l’ampleur des conséquences économiques des mesures de confinement pour beaucoup de nos assurés, nous ne pouvons pas couvrir des événements explicitement exclus de nos contrats, et devons respecter les engagements pris à l’égard de l’ensemble de la communauté de nos assurés.
Nous espérons qu’une plus grande clarté sera apportée au plus vite par les tribunaux et les cours d’appel. »