Le parc hôtelier français se reclasse

Dernière ouverture du groupe Elegancia, l’hôtel Angely à Paris 11 ème. Ce 3 étoiles positionné sur le segment « Boutique Love Hotel », est le résultat d’une restructuration lourde qui traduit une montée en gamme de l’hôtellerie parisienne. A la même adresse auparavant, un hôtel 2 étoiles, sur le déclin, le Mondia.

Surprise ! Depuis 1995, l’hôtellerie de tourisme perdait chaque année des établissements. A l’orée de 2012, l’hémorragie semble stoppée, avec un solde positif de 25 hôtels et de 19 859 chambres. Mais en apparence seulement, explique Mark Watkins, patron du cabinet spécialisé Coach Omnium, qui publie son 20 ème Panorama de l’hôtellerie française. Cette embellie s’expliquerait avant tout par l’entrée d’établissements, précédemment non classés, dans la catégorie 1 étoile, grâce aux critères du nouveau classement hôtelier.
Globalement pourtant, les disparitions d’adresses continuent d’être plus nombreuses que les créations. Quant au nouveau classement, finalement très accessible mais qui n’est plus obligatoire, seulement volontaire, il risque de voir filer, au moins à court terme, des milliers d’hôtels classés jusqu’alors selon le référentiel de 1986.
C’est aussi l’entrée en vigueur de ce classement « Novelli » qui expliquerait la montée en gamme du parc, les catégories de 3 à 5 étoiles représentant 1 hôtel sur 3 contre 19 % en 1995. Une évolution que Mark Watkins juge pour sa part largement « artificielle ». Principaux tableaux de résultats de ce panorama et questions posées à Mark Watkins.

Les principales données chiffrées du Panorama 2012 de l’hôtellerie française



Questions à Mark Watkins

Vous observez sur 2011 une légère croissance du nombre d’hôtels classés. Est-ce du fait de l’entrée dans le parc d’hôtels existants, qui n’étaient pas classés jusqu’alors ?
-* «Oui, il y a un solde positif de 25 hôtels classés en 2012 par rapport à 2011. Cela reste symbolique mais notable, car nous étions habitués jusqu’ici à une diminution importante année après année du parc hôtelier de tourisme.»
-*«Ce regain s’explique en grande partie par l’abaissement du seuil minimal pour être classé. Selon les normes de 1986, il fallait 10 chambres au moins pour être reçu en 3 à 4 étoiles luxe. A présent, avec la nouvelle réglementation, c’est 6 chambres. Cela a permis à des hôtels non classés de demander et obtenir leurs étoiles.»
Malgré ce solde d’hôtels classés légèrement positif, avez-vous encore observé en parallèle des fermetures d’hôtels ? Fermetures qui concerneraient surtout des petits établissements non classés ?
-*«On constate en 2011, mais cela fait suite aux années précédentes, une forte disparition d’hôtels économiques, essentiellement en 2 étoiles : – 736 hôtels entre 2011 et 2012. Ce ne sont pas toutes des fermetures définitives. Près des 2/3 sont des hôtels qui ont simplement demandé à bénéficier d’une étoile supplémentaire selon la nouvelle réglementation aux exigences minimalistes, et qui sont donc passés en classement 3 étoiles. La majorité « ? près de 400 établissements « ?sont des hôtels de chaînes intégrées : Ibis, Campanile, Kyriad, etc.»
-*«S’il est encore tôt pour savoir combien d’hôtels classés ont fermé, car les statistiques sur les défaillances d’entreprises ne sont pas encore disponibles, on sait que ce sont surtout les hôtels non classés qui ferment à tour de bras. L’on comptait environ 9.000 hôtels non classés en 1995, contre environ 3.000 aujourd’hui, selon l’Insee.»
Combien d’hôtels neufs ont vu le jour et ont été classés en 2011, dans quelles catégories (indépendants-intégrés) et quelles gammes ?
-*«Nous n’avons pas encore compté le nombre d’hôtels neufs créés en 2011 et notre bilan annuel sur les chaînes hôtelières est sur le point d’être terminé. On sait seulement à ce jour que les chaînes continuent à peiner pour se développer, comme depuis une dizaine d’années. Nous le confirmerons bientôt par des chiffres. Et il ne s’ouvre presque plus d’hôtels indépendants neufs, sinon moins de 30 à 40 dans l’année. Les ouvertures très médiatisées de plusieurs palaces à Paris ne doivent laisser croire que le parc hôtelier grossit considérablement. Il y a surtout des changements de mains, avec souvent des réhabilitations d’hôtels.»
Début 2013, on peut anticiper une chute, au moins temporaire, du nombre d’hôtels classés, une proportion importante d’entre eux, entre 1 sur 2 et 1 sur 3, n’entrant pas dans le nouveau classement. Mais numériquement, le parc hôtelier global va-t-il rester stable, selon vous ? Ou est-ce que es disparitions seront de nouveau supérieures aux créations ?
-*«Le nouveau classement a décidément du mal à recruter, hormis dans le haut de gamme. A fin mars 2012, 4.021 hôtels (seulement) avaient été classés, soit 20 % des hôtels français. Dont 1.043 classements pour les chaînes intégrées « ? 26 % des classés « ? (767 rien que pour Accor). Plus de 1 hôtel sur 2 a demandé une étoile supplémentaire par rapport à son précédent classement. Cela représente une montée en gamme totalement artificielle, car dans la plupart des cas, aucun effort d’investissement n’aura été fait.»
-* «Il y aura probablement le double de classés vers la fin de l’année 2012, soit un peu plus de 8.000 adresses, c’est-à-dire environ 40 % des hôtels français à afficher des étoiles. La proportion sera d’ailleurs peut-être un peu plus forte par le fait que l’on s’attend à ce qu’environ six cents à un millier d’hôtels disparaissent dans l’année, à cause de l’impact de la crise économique actuelle qui accélère les banqueroutes. Dans tous les cas, le faible nombre de créations d’hôtels (une cinquantaine par an en France, dont 1/4 pour les chaînes intégrées) est loin de pouvoir compenser les fermetures et disparitions d’hôtels. »
On constate qu’en proportion, entre 1995 et 2010, beaucoup plus d’hôtels classés que de chambres ont disparu. Et qu’à partir de 2011, ce sont beaucoup plus de chambres que d’hôtels qui ont été, toujours en proportion, nouvellement classées. La capacité moyenne des hôtels a donc sensiblement augmenté. Dans ces conditions, est ce qu’un établissement de 20 chambres ou moins peut-encore tenir demain, et à quelles conditions ?
-*«Oui, la taille moyenne par hôtel augmente année après année. C’est un phénomène que l’on retrouve aussi dans les autres pays. Un hôtel trouve sa rentabilité en étant plus grand que par le passé, car il amortit ainsi mieux ses frais fixes qui représentent de 85 à 90 % de son chiffre d’affaires. Le seuil de rentabilité de l’hôtellerie a augmenté sensiblement depuis une dizaine d’années. Aussi, un hôtel de moins de 30 à 35 chambres (45 à 50 chambres en économique) a du mal à dégager des marges significatives et à pouvoir réinvestir.»
-*Dans les réhabilitations d’hôtels, la tendance porte sur une augmentation du nombre de chambres, quand la trame architecturale le permet, au détriment des superficies. Les nouvelles normes de classement hôtelier étant peu exigeantes sur ce point (par exemple, 20 m2 en 5 étoiles, salle de bains comprise pour une chambre single), les hôteliers sont encouragés de ce fait à proposer des chambres petites à leurs clients, qui s’en plaignent.»

Le Panorama 2012 de l’hôtellerie française à consulter sur le site de Coach Omnium

{{« Le panorama de l’Hôtellerie en France », par Coach Omnium, à télécharger}}

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Questions écrites à Mark Watkins : Jean-François Vuillerme

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