Les premières tendances publiées par les cabinets Food Service Vision et NPD Group ainsi que par TheFork font état d'une forte progression des réservations et des chiffre d'affaires, liées à l'inflation mais aussi à une fréquentation supérieure. La restauration rapide, les bars, les cafés, les restaurants d'hôtels ont tiré leur épingle du jeu. Les livraisons, le drive et les déjeuners d'affaires marquent en revanche le pas. Globalement toutefois, les performances ont été bridées par le manque de personnel. Par ailleurs, redressements et liquidations s'annoncent en très forte hausse.
Des bonnes et des mauvaises nouvelles en provenance de la restauration cet été. Commençons par les bonnes !
Le baromètre de la météo ne fut pas le seul à grimper en flèche. Celui de la fréquentation l’a suivi, en particulier lors des dîners. Selon TheFork, leader de la réservation on line en France, le nombre de réservations a grimpé de 26 % par rapport à l’été 2021. Avec une pointe à +32 % au mois d’août, soit 12 points de plus qu’en juillet. Les résas restent toutefois légèrement en deça de 2019 (-1,9 %).
Cinq grandes villes ont fait mieux que la croissance moyenne.Toulouse en tête (+40%). Suivie de La Rochelle (+39%). Puis Paris (+35%). Et Nice (+32%) et Bordeaux (+32%). Trois réservations sur quatre portaient sur le dîner. Quant au ticket moyen, il se situait entre 30 et 40 € en moyenne, TheFork ne fournit pas de comparaison avec les étés antérieures.
Nul doute, de nombreux établissements ont vu leur chiffre d’affaires croître. D’abord à cause des hausses sur les cartes qui ont répercuté, en partie seulement, leurs coûts alimentaires et énergétiques. Selon le cabinet Food Service Vision, les tarifs généraux des fournisseurs ont grimpé de + 15,1 % au troisième trimestre après + 13,1 % au deuxième. L’effet inflation pèserait ainsi les trois quarts de la hausse de CA. Le dernier quart, soit + 3 et + 4 %, provient de cet afflux supplémentaire de clients.
D’après Food Service Vision, le chiffre d’affaires de la restauration commerciale aurait ainsi augmenté de 12 % entre juin et août par rapport aux mêmes mois 2019. Une performance supérieure à celle de l’ensemble de la consommation alimentaire hors domicile (cantine set boulangeries comprises), que FSV évalue à 8 %.
La restauration rapide, boostée par ses segments burgers et pizzas, a particulièrement tiré son épingle du jeu. Mais aussi les cafés, bars, pubs et discothèques. Par ailleurs, les restaurant d’hôtels, portés par des nuitées en forte hausse, ont aussi connu une reprise. En revanche, l’usage de la livraison est à 4 points en dessous de 2019.
Les données de NPD Group confirment ces tendances. Mais ses coefficients différent de ceux de Food Service Vision. Bien supérieures à celles de 2021, les performances de la RHD restent cependant inférieures à 2019. De l’ordre de 13 % pour la fréquentation et de 10 % pour le CA du secteur dans sa totalité.
La restauration rapide, toutefois, fait exception. NPD la crédite pour cet été d’une fréquentation comparable à 2019. A l’inverse, la restauration à table afficherait encore un retard de 20 % en volume de visites. NPD crédite également la rapide d’une croissance en valeur de 5 % sur les deux premiers mois de l’été. Croissance largement alimentée par les hausses appliquées sur les menus.
Plus globalement aussi, la vente à emporter conserve cet engouement des clients qu’elle a acquis pendant les périodes covid. Ses ventes restent à nouveau supérieures à leur niveau de 2019. Même si les activités livraison et drive ont reculé par rapport à 2021.
Venons en aux mauvaises nouvelles…. Ce n’est pas la désaffection de la clientèle qui affectait la profession cet été mais le manque de bras. Faute d’effectifs saisonniers suffisants, des milliers de restaurants, plus encore que les années passées, ont vécu ce dilemme en haute saison ! Ou bien fermer 1 ou 2 jours supplémentaires par semaine. Ou bien limiter ses capacités d’accueil, en condamnant tout ou partie de sa terrasse par exemple ou en resserrant ses horaires de services. Quand ils n’étaient pas contraints à la fois à fermer certains jours et à se limiter les jours d’ouverture.
A ce problème de pénurie, s’ajoute celui de la trésorerie. Selon le témoignage d’un important distributeur en boissons actif sur la région Normandie, les incidents de paiement, les impayés ponctuels subis par son entreprise, ont été quatre fois plus fréquents à partir de mai-juin que dans les deux années précédentes. Bien que la saison ait été satisfaisante sur les côtes et les autres zones touristiques.
Cette fragilité financière nouvelle, le groupe Altarès, spécialiste des données d’entreprise, l’observe à l’échelle nationale depuis la fin du deuxième trimestre 2022. Et celle-ci ne touche pas que la restauration à table.
« Depuis février 2022, chaque mois, constate Thierry Millon directeur des études d’Altarès, le nombre de défaillances en restauration traditionnelle augmente de plus de 100% par rapport au même mois de l’année précédente. En restauration rapide, la hausse est également très forte et dépasse même les 200% cet été. Le niveau de 2019 n’est plus très loin… »
Selon les données transmises par Altares à HR-infos, le nombre de défaillances dans la restauration traditionnelle a augmenté d’environ 147 % en juillet puis en août par rapport aux mêmes mois de l’année 2021 ! En restauration rapide, elles ont bondi de 219 % en juillet et 248 % en août ! Sur septembre, les redressements et liquidations arrêtées au 20 du mois excèdent très largement les chiffres de septembre 2021. Et il est fort possible qu’ils dépassent ceux de 2019. Réponse vers la mi octobre dans le prochain bilan trimestriel exhaustif établi par Altarès (données greffes et BODACC) et systématiquement analysé par HR-infos.
Si l’on se projette sur les mois à venir, cette embellie estivale pourrait se voir cette fois remise en cause par les contraintes des consommateurs. Inquiets pour leur pouvoir d’achat, les Français risquent d’arbitrer dans leurs dépenses, d’avantage qu’au cours de l’été et au détriment de la restauration festive.
En août, selon les études de Food Service Vision, un Français interrogé sur trois affirmait son intention de moins dépenser au restaurant dans les prochaines semaines. La proportion n’était encore que d’un sur quatre en mai dernier.
« Les modèles économiques sont sous tension. Exploiter un restaurant aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce dont il s’agissait en 2019. L’évolution rapide des charges s’associe au manque encore plus chronique de personnel », constate François Blouin, de Food Service Vision, cité par l’AFP. Les pizzerias, par exemple, risquent de fortement souffrir de la hausse du prix de l’énergie.