Evolution des prix pratiqués dans la Restauration et dans la Distribution comparés à l’inflation (Base 100 – 2012)
Questions à David Vidal, Associé au sein de Simon-Kucher & Partners
La fréquentation et les ventes en Restauration ont certes baissé en 2015 et en 2016, mais pas dans tous les secteurs, et dans des proportions limitées. Elles ont même augmenté dans le secteur des débits de boissons. Par ailleurs, en 2015 et jusqu’au deuxième trimestre 2016, le secteur de la Restauration a réalisé de nombreuses créations d’entreprises et embauches.
Le positionnement prix est évidemment crucial au départ. Mais au fil des exercices, est-ce aussi gênant que cela de procéder à des ajustements tarifaires habiles ?
« C’est critique. Un positionnement tarifaire bien conçu au départ peut se retrouver rapidement obsolète au vu de la dynamique observée sur ce levier clé de compétitivité : l’intensité promotionnelle actuelle oblige notamment les acteurs à repenser régulièrement leur positionnement pour assurer cette compétitivité.
Par ailleurs, les coûts de revient sur certaines matières sont de plus en plus volatils et obligent à revoir régulièrement la marge générée par produit, donc le positionnement prix…. Tout en pensant « client » pour assurer la bonne péréquation entre marge et perception prix. C’est donc une compétence clé, pourtant souvent oubliée, dans la Restauration. »
Pour que la Restauration maîtrise ses prix, encore faudrait-il qu’elle maîtrise ses coûts. Ce n’est pas évident dans un secteur à forte intensité de main d’oeuvre et dans un pays où les prélèvements sociaux et fiscaux sont réputés relativement élevés.
Quels leviers peut-elle utiliser sans altérer son rapport qualité-prix dans un contexte hyper concurrentiel?
« La fréquentation reste l’enjeu principal pour un grand nombre d’enseignes, précisément en raison de la structure de coûts des acteurs du secteur. En ce sens, le rapport qualité-prix doit rester le point de départ d’une bonne politique tarifaire, car il est garant d’une bonne performance en fréquentation.
Pour définir le bon rapport qualité-prix, il faut comprendre la volonté de payer du client, et concevoir en conséquence une offre dont le coût de réalisation permet de maîtriser la marge…et non l’inverse !
Souvent les enseignes conçoivent une offre et imposent en conséquence un prix dans une démarche dite de « Cost+ », qui ne garantit en rien l’adéquation avec la perception-prix du consommateur.
Ce n’est qu’une fois que l’on sait quel ordre de prix le client accepte pour une offre que l’on peut concevoir celle-ci selon la marge souhaitée. En d’autres termes, il faut partir du client et du prix de vente acceptable à ses yeux pour concevoir l’offre, au lieu de fixer le prix de vente en fonction d’une offre déjà prête. »
Même les leaders de la restauration rapide augmentent leur prix, malgré les énormes volumes de matière qu’ils gèrent et qui leur permettent des économies d’échelle ! Est-ce si gênant pour eux ? Le leader français Mc Donald’s ne semble pas perçue comme une enseigne chère, il communique d’ailleurs régulièrement sur les prix. Et si la fréquentation s’effrite légèrement dans ses restaurants, cela tient à d’autres raisons, de concurrence surtout. Pensez-vous vraiment que l’évolution des prix est trop forte dans la restauration française et qu’elle va du coup provoquer un transfert de clients vers la distribution ?
La communication axée sur le prix d’un acteur comme McDonald’s, et de beaucoup d’autres, vient précisément compenser une perception prix parfois mauvaise. Il faut bien avoir en tête que beaucoup d’acteurs de la restauration commerciale ont augmenté les prix pour compenser des baisses de fréquentation, et entraînant dans la grande majorité des cas un accroissement de cette tendance à la baisse de la fréquentation.
Une enseigne comme McDonald’s a beaucoup d’autres facteurs d’attractivité à faire valoir, permettant une perception de rapport qualité-prix intéressante, mais beaucoup d’autres se sont disqualifiées aux yeux du consommateur par des prix au-delà des seuils de prix dits « psychologiques » des clients.
Le transfert de clients vers la distribution existe bien pour certaines enseignes, car la distribution a su développer une offre de restauration de qualité, à des prix très compétitifs, et en répondant par ailleurs à des attentes claires du client, notamment la rapidité le déjeuner en semaine. Certaines enseignes de restauration rapide, en centre-ville notamment, sont déjà touchées par ce phénomène de transfert, tout en restant très « spectatrices », en ne procédant pas aux évolutions nécessaires.
Une déflation serait pire que l’inflation, ne pensez-vous pas ?
On constate une inflation au niveau des produits, c’est vrai. Mais le ticket moyen lui est en réalité déjà en déflation dans beaucoup de segments de la Distribution et de la Restauration. Car on est face à un consommateur qui arbitre, en raison d’un phénomène de pouvoir d’achat en berne bien connu.
Cette tendance concerne même les consommateurs plus aisés. Eux-aussi procèdent aujourd’hui à des arbitrages sur ce poste de dépense. Tout simplement aussi parce qu’ils n’adhèrent pas aux pratiques de prix parfois excessives de certaines enseignes. Ils préfèrent donc arbitrer sur le nombre de produits consommés : ils paient plus cher moins de produits, ce qui crée un impact sur leur satisfaction et donc sur la fréquentation future.
Un exemple de seuil psychologique : le cas du prix du jean dans les enseignes de textile féminin
Etude quantitative effectuée par Simon Kucher sur la base du panel de consommatrices d’Audirep (Juin 2015) – Analyse Simon Kucher & Partners Prix relevé mi-juin 2015 sur les sites internet des enseignes « A quel prix considérez-vous que le produit suivant est à un prix cher et acceptable ? » N=1004
Deux extraits de l’étude Restauration rapide réalisée par Simon-Kucher en 2014
Même Mc Donald’s n’échappe pas à une image prix partiellement défavorable
Le prix est le premier facteur explicatif d’une moindre fréquentation pour la majorité des enseignes de sandwicherie, le caractère non équilibré de la nourriture proposée pour les enseignes de fast-food
Source : Etude quantitative effectuée par Simon-Kucher et Audirep (mars 2014)
Une évaluation hétérogène du rapport qualité-prix
Aucune enseigne ne bénéficie d’un rapport qualité-prix perçu comme compétitif de manière homogène par ses clients, avec parfois une perception de cherté relative, pour Paul en particulier.
Source : Etude quantitative effectuée par Simon-Kucher et Audirep (mars 2014)