Investie dès 2014 dans une démarche ambitieuse avec l'adoption à l'Unesco d'un Manifeste en 20 engagements, l'Association de 580 hôtels de luxe et restaurants gastronomiques dans le monde donne un nouvel élan à ses iniatives. Son plan d'action fixe 15 objectifs concrets à horizon 2025-2030, en intégrant les défis du réchauffement climatique, de l'eau, de la bioversité et de la pollution plastique. Relais & Châteaux rend également public son premier rapport de développement durable, qui lui permet de mesurer, partager et accélérer les progrès de ses adhérents.
La transparence n’est pas l’un des moindres mérites de ce rapport. Et il est aussi, à notre connaissance, le premier dans l’industrie hôtelière à être rendu public.
Mais sa valeur première est de décrire les 15 projets concrets définis par Relais & Châteaux dans son plan d’action « En quête d’une hospitalité en harmonie avec la nature ». Des projets qui vont mobiliser ses sièges et ses 580 adhérents pour les huit années à venir. Avec des objectifs chiffrés à atteindre dès 2025 et au plus tard en 2030.
Ces 15 projets s’articulent autour de trois piliers. « Protéger l’environnement. Instaurer une cuisine durable. Et avoir un impact social et environnemental positif. »
Passer de 10 % à 50 % puis 100 % en l’espace de huit années
Le volet « Protéger l’environnement » regroupe six de ces quinze projets-actions. Trois concernent l’énergie (bilan carbone, mesure de la conso élec, part des énergies renouvelables). Les trois autres portent sur l’eau, la biodiversité et les achats responsables.
On apprend, par exemple, que 12 % des maisons ont aujourd’hui effectué le bilan carbone de leurs activités. Objectif à l’horizon 2025, que leur proportion passe à 50 % et en 2030 à 100%.
De même, on découvre que seulement 3 % d’entre elles produisent de l’énergie renouvelable sur place (solaire, géothermique, etc). Le pourcentage devra passer à 10 % en 2025 et 20 % en 2030. Ou encore, 45 % contrôlent leur consommation d’eau et ont pris des initiatives pour la réduire. Mais ce sont 100 % d’engagées d’ici 2025 qu’espère la chaîne.
Il s’agit donc bien d’un rapport d’activité, mesurant (en pourcentage) l’état du réalisé et du non réalisé fin 2021.
A l’époque, 283 Maisons (plus de la de la moitié du réseau ) avaient répondu à un questionnaire détaillé de 60 indicateurs clef. Deux cabinets extérieurs en développement durable (Solinnen et Alice Audoin Consulting) avaient analysé ces réponses. Les résultats affichés dans le rapport sont sans doute représentatifs des avancées du réseau. Et de ses marges de progression…
Chaque année désormais, Relais & Châteaux mesurera les progrès accomplis. Pas seulement à l’aune de ses priorités. Mais également au regard des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) définis en 2015 par les Nations Unies. Alice Audoin a évalué la contribution de Relais & Châteaux. Elle l’a estimée significative sur 6 objectifs (lire pages 24 à 27 du rapport).
Un rapport relais d’initiatives exemplaires
Le rapport ne se résume pas à une batterie de chiffres et d’objectifs. Il fourmille aussi de dizaines d’illustrations d’initiatives prises par les propriétaires. En matière d’éco-gestion de l’eau, le cas du Pikaia Lodge, dans les îles Galapagos, est sans doute la plus remarquable. L’eau douce y est rare. Et sa préservation est l’un des grands défis du Pikaia. Voici le résumé publié dans le rapport des actions engagées par le Lodge.
« L’eau du Pikaia Lodge provient des puits communaux de Puerto Ayora. Elle est acheminée jusqu’au lodge par des moyens de transport tiers et remplit des réservoirs dédiés. L’utilisation de transporteurs de la région permet d’éviter d’amener davantage de véhicules sur l’île et de respecter l’engagement de responsabilité sociale consistant à faire appel aux entreprises locales dans la mesure du possible. L’eau des puits est traitée par UV et ozone, mais elle n’est pas considérée comme potable. »
« En revanche, poursuit le rapport, les toits du Pikaia sont conçus pour recueillir l’eau de pluie qui est purifiée par osmose inverse, traitée aux UV ou à l’ozone dans un réservoir en acier inoxydable, puis utilisée dans les cuisines du lodge. Cette eau pure passe à nouveau par d’autres filtres afin d’être utilisée pour la cuisine, la préparation de jus de fruits, l’eau potable et la glace, évitant ainsi le recours aux bouteilles en plastique. Des dispositifs d’économie d’eau de haute qualité, installés notamment dans les toilettes, sur les pommes de douche et les robinets, permettent de limiter la consommation d’eau une fois qu’elle a été recueillie.»
Une matrice historique, le manifeste de 2014
Que Relais & Châteaux soit un réseau pionnier au sein des HCR en matière de développement durable tient aux engagements pris par ses premiers initiateurs. Philippe Gombert et Olivier Roellinger, alors président et vice-président de la chaîne, sont à l’origine du Manifeste « Un monde meilleur, par la table et l’hospitalité » . Dédié à la préservation des patrimoines locaux et de l’environnement, son programme avait été présenté au siège de l’Unesco, institution des Nations-Unies. Tout un symbole !
Dès cet instant, sans autre obligation qu’une éthique de conviction, l’association avait donc pris des des engagements de développement durable. Trois registres articulent les 20 engagements du Manifeste: « Préserver les cuisines du monde, partager la passion du beau et être acteur d’un monde plus humain.» Le rapport DD s’inspire encore largement du Manifeste de 2014. Il constitue sa matrice, enrichi certes, en tenant compte des impératifs de la transition écologique.
Depuis le 1 er janvier 2023, Laurent Gardinier (Domaine Les Crayères, Taillevent) et Mauro Colagreco (Mirazur) ont pris le relais du duo Gombert-Roellinger avec la même conviction. Un nouveau Manifeste sera d’ailleurs publié en 2024, pour les 70 ans de l’association. « Il se situera dans la lignée de celui de 2014 mais en englobant des problématiques actuelles et en tenant compte des sensibilités de chaque pays. », précise le président. Laurent Gardinier envisage trois axes forts : « la réduction de l’empreinte environnementale avec la mise en place de solutions réalistes économiquement ; la préservation de la diversité sous l’impulsion notamment des chefs et cheffes ; le respect de chacun des collaborateurs et une responsabilité sociétale amplifiée. »
La réalisation de ce manifeste sera largement partagée. En particulier avec le vice-président Mauro Colagreco, militant de longue date d’une gastronomie écoresponsable. Et avec l’embryonnaire comité pour le développement durable de l’association composé d’acteurs de son éco-système (parties prenantes et fournisseurs inclus).