Lors de sa visite au Sirha, le chef de l'Etat a annoncé que les pourboires payés par carte bancaire seraient exonérés d'impôt et de charges à compter de 2022. Evoquant les pistes pour lutter contre la pénurie de main d'oeuvre, il a cité, pêle-mêle, la réforme de l'assurance chômage, l'investissement d'1,5 milliard dans la formation vers les métiers en tension, le développement de l'apprentissage et de l'alternance. Et enfin l'attractivité même de la profession. En omettant de dire la nécessité, pour l'améliorer, d'un agenda social sur les rémunérations et les conditions de travail.
La nouvelle, un peu éventée, a pourtant fait son effet. Soufflée à l’Etat par les organisations patronales, cette mesure d’exonération flottait dans l’air depuis quelques semaines. Emmanuel Macron l’a donc officiellement annoncée. Succès garanti auprès des professionnels qui l’entouraient.
Combien rapportera-t-elle aux salariés, cette incitation au pourboire électronique, par CB et appli ? Et quels salariés en bénéficieront vraiment ? Aucune projection, aucune étude d’impact n’ont été faites à ce jour.
A l’évidence, cette mesure ne suffira pas, ou seulement à la marge, à redonner du pouvoir d’achat à ses salariés et donc de l’attractivité aux CHR . Et surtout, elle n’apparait aucunement à la hauteur des besoins et des enjeux. Même si elle est la bienvenue. « Toujours ça de pris ! », se résoudront les pragmatiques.
Etonnamment d’ailleurs, Macron n’a à aucun moment évoqué la mission engagée par sa propre ministre du Travail depuis la rentrée. Elisabeth Borne veut, à juste raison, que les partenaires sociaux reprennent langue, négocient et aboutissent sur deux sujet clefs pour l’attractivité de la branche. A savoir la rémunération des salariés et l’organisation de leur temps de travail. L’une et l’autre nécessitent de nouvelles avancées.
Et, en la matière, les domaines où de nombreux HCR doivent progresser ne manquent pas. Le travail de nuit peu ou pas compensé. La coupure qui étire la journée de travail sur une plage horaire de 12 heures voire plus, incompatible avec une vie personnelle et familiale normale. Les heures perdues non rémunérées. Les week-ends systématiquement travaillés. L’absence de 13 ème mois, etc…
Pour de meilleures rémunérations, les salariés méritent davantage que des pourboires défiscalisés
Sur les rémunérations, par exemple, rappelons que le dernier avenant sur les salaires minima conventionnels dans les HCR remonte au 16 avril 2018.
A l’époque encore, les partenaires sociaux s’accordaient pour que le minimum des minima (l’échelon 1 du niveau 1) soit symboliquement légèrement supérieur au SMIC. Ce qui n’est plus le cas depuis 2019. L’échelon 1 est resté depuis à 9,98 euros quand le Smic interprofessionnel passait à 10,03 €, puis 10,15, puis 10,25 puis 10,48 à partir du 1er octobre. En provoquant au passage un effet d’aplatissement sur les autres échelons et niveaux.
Omission délibérée du Président qui a préféré faire le buzz avec son annonce pourboire ? Oubli involontaire ? Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron l’ignorait-il ?, des négociations sur les rémunérations vont officiellement s’engager dans les HCR. Un calendrier est fixé. Selon nos informations, les deux premières réunions se tiendront le 18 novembre et le 2 décembre. D’ici là, et c’est déjà le cas, les négociateurs vont prendre langue, par des échanges bilatéraux. Manière de tester leurs propositions respectives… Les syndicats de salariés, ainsi, voudront s’assurer que les organisations patronales sont prêtes, cette fois, à faire des propositions fortes, consistantes.
A défaut d’avoir signé un accord sur les rémunérations depuis trois ans et demi et sur les conditions de travail depuis bien davantage, patronat et syndicats ont en tout cas bien avancé sur la refonte de la grille de classification des emplois dans les CHR. Selon plusieurs sources professionnelles, ils seraient très proches d’un accord. Un bon préalable avant d’aborder les sujets plus sensibles…
Verbatim
« Nous avons décidé que les pourboires payés par carte bleue seraient sans charge pour les employeurs et sans impôts pour les salariés » avec une mise en oeuvre « dans les prochains mois »
« Cela va permettre d’ajouter au pouvoir d’achat » des salariés du secteur. Cette mesure « ne coûte rien, car aujourd’hui ça ne marche pas, parce qu’on l’a vu en sortie de crise, nos compatriotes utilisent de moins en moins de liquide. »
« Cela va vous permettre d’attirer plus de jeunes et de moins jeunes pour leur dire: tu peux gagner beaucoup plus que le salaire et le bonus que je te verse. »