La branche tient toujours bon ! Selon Altarès, d'avril à juin 2020, le nombre des procédures de redressements judiciaires ont continué de reculer, hormis chez les traiteurs. Les aides publiques mais aussi l'adaptation des textes réglementaires ont permis de limiter « artificiellement » les défauts de paiement. Le troisième trimestre risque d'être beaucoup plus sinistré, prévient Altarès.
C’est un plus bas historique selon Altares, le spécialiste de l’information sur les entreprises. Au deuxième trimestre 2020, le nombre de défaillances d’établissements d’Hébergement Restauration est pour la première fois passé sous la barre des 1 000 jugements de redressements. 825 exactement contre 1618 sur la même période 2019. C’est également vrai pour les liquidations judiciaires. Pesant à elles plus de trois décisions sur quatre (77,3 %), elles ont dégringolé de 1057 à 638. Jamais le taux de mortalité dans la branche n’avait semblé aussi bas. Semblé seulement…
Tous les grands secteurs de la branche enregistrent à première vue des baisses spectaculaires de sinistralité. Dans l’Hébergement (-40 %) comme dans la Restauration traditionnelle ou rapide (- 50 %) ). Et même dans les Débits de boissons (- 47,5 %) réputés les plus fragiles. Seuls les traiteurs sont malmenés. Il est vrai qu’ils ont été les premiers à subir, dès février, une forte baisse d’activité. Du coup, 29 d’entre eux ont été placés en redressement judiciaire au deuxième trimestre. C’est seulement 2 de plus qu’au premier. Et 15 de moins qu’en janvier-mars 2019. Néanmoins, leur avenir s’assombrit. Le marché de l’événementiel reste au point mort. Le secteur redoute, par conséquent, une vague de faillites dès septembre-octobre.
Un afflux de 7 milliards de cash pour reconstituer provisoirement les trésoreries
Comment expliquer une telle résistance dans une telle crise ? L’activité s’est effondrée à partir de la première quinzaine de mars et pendant deux mois au moins. Les trésoreries se sont donc asséchées. Les cessations de paiement devenaient en principe inévitables. Oui mais voila ! Assez rapidement, les mesures de soutien engagées par le gouvernement dès la mi mars ont regonflé les comptes courants. Entre les Prêts Garantis par l’Etat et les aides du fonds de solidarité, la branche H&R a obtenu un apport de cash de plus de 7 milliards d’euros (décompte provisoire à fin mai). Ajouter à cela la prise en charge totale par l’Etat du chômage partiel pour plus de 800 000 salariés et le report des charges fiscales et sociales. Toutes ces mesures, généralement cumulées par une majorité d’entreprises, leur ont évité la banqueroute. Et permis d’assurer leur réouverture.
L’évitement de la faillite tient aussi à un autre type de mesures, moins évoquées celles-ci, de nature juridique. Ce sont les ordonnances prises à partir de la fin mars, qui ont adapté le droit des entreprises en difficulté, dans le cadre de la loi sur l’urgence sanitaire. Celles-ci, de fait, ont permis aux entreprises de reporter leur déclaration de cessation de paiement. « La justice a considéré que si à la date du 12 mars, une entreprise n’était pas en cessation de paiement, elle ne l’est pas jusqu’au 23 aout. », résume Altares. 10 000 déclarations auraient ainsi été reportées du fait des libéralités accordées par ces ordonnances.
Le report légal des déclarations de cessation de paiement, l’autre bouée de sauvetage…
Pour autant, les tensions de trésoreries demeurent toujours dans les entreprises n’ayant pas retrouvé un niveau rentable d’exploitation. Selon Altares, elles disposent, habituellement, en moyenne de 4 à 5 mois de liquidités. Or le groupe déclare avoir « précisément identifié près de 100 000 sociétés qui disposent de moins de 30 jours de trésorerie pour faire face aux dépenses les plus urgentes. » 30 jours, c’est peu. La réserve risque d’être rapidement engloutie. Parmi ces 100 000, une majorité opère dans les activités de commerce, d’hôtellerie-restauration-débits de boissons ou de services à la personne.
La menace est réelle. Mais pour autant, rien n’est écrit, assure Altares. «Loin des tsunamis rabâchés à l’envi depuis plus de quatre mois, et malgré l’ampleur de la crise, les entreprises ont tenu, déclare Thierry Millon, directeur des études du groupe. Elles ont su montrer jusque-là qu’elles savaient résister. Ne sous-estimons pas leur capacité à passer le cap et déjouer les pronostics de fin du monde, à la faveur d’une reprise plus dynamique qu’attendue, déjà perçue dans certains secteurs. »
Recul des redressements et des liquidations dans tous les secteurs
Sauv. : procédures de sauvegarde
RJ : redressements judiciaires
LJ : liquidations judiciaires
Lecture : Au deuxième trimestre 2020, les défaillances d’entreprises ont diminué de 49% dans la branche par rapport au 2 T 2019. Elles ont baissé de 40,4% dans l’Hébergement. De 50 % dans la Restauration. Et de 47,5 % dans les Débits de boissons.
Seule hausse des redressements judiciaires au 2ème trimestre, celle des traiteurs,
qui laisse craindre un troisième trimestre meurtrier
Lecture : Dans l’Hébergement, le nombre de défaillances a baissé de 44,8 % au deuxième trimestre 2020 par rapport au premier trimestre 2020. Dans la Restauration, elles ont reculé de 53 %.
Source des deux tableaux : Altares – retraitement HR-infos
Des données réputées fiables et exhaustives provenant des sources judiciaires
Altares comptabilise l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro Siren. A savoir entreprises individuelles, professions libérales, sociétés et associations. Elle comptabilise également celles ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou de Grande Instance.
Altares collecte par ailleurs l’ensemble des jugements auprès des greffes de ces Tribunaux. L’entreprise est également licenciée officiel du B.O.D.A.C.C.
Thierry Millon, directeur des études chez Altarès
« Le premier semestre 2020 restera dans les annales de l’accompagnement de l’entreprise en difficulté. Moins de 17 000 entreprises ont fait l’objet d’une procédure collective à mi année. Il faut remonter à plus de trente ans pour trouver un nombre aussi faible. Ces chiffres paraissent pourtant invraisemblables au regard de la force de la crise.
En réalité, c’est l’aménagement des textes règlementaires qui a permis cette étonnante résistance des entreprises. Sans cette adaptation du droit et l’aide des pouvoirs publics, des dizaines de milliers d’entreprises seraient tombées dès ce 2e trimestre, beaucoup disposant de moins de trente jours de liquidité pour faire face aux dépenses immédiates.
Qu’elles soient de petite ou de grande taille, toutes les entreprises ont été mises à l’épreuve de la pandémie de Covid-19. Tous les totems, toutes les certitudes sont tombés. En ce début d’été, les scénarii économiques offrent encore un large éventail de possibilités de modalités de reprise.
Mais alors quelles projections pour le second semestre ?
Toutefois, loin des tsunamis rabâchés à l’envi depuis plus de quatre mois, et malgré l’ampleur de la crise, les entreprises ont tenu. Les pouvoirs publics français, mais également leurs homologues européens, ont mis en place des mesures d’accompagnement fortes visant d’une part à protéger les entreprises de la faillite et d’autre part à soutenir leur trésorerie pendant le confinement pour préparer la sortie et le redémarrage…
Depuis quatre ans, le deuxième semestre comptabilise en moyenne 25 000 défaillances d’entreprises ; ce nombre avait franchi la barre des 30 000 en 2009 et 2013. Il est probable que ce plafond soit largement dépassé. Nombre des 10 000 entreprises préservées artificiellement de la défaillance sur le 1er semestre pourraient venir gonfler les chiffres du second semestre.
Cependant, nos entreprises ont su montrer jusque-là qu’elles savaient résister. Ne sous-estimons pas leur capacité à passer le cap et déjouer les pronostics de fin du monde, à la faveur d’une reprise plus dynamique qu’attendue, déjà perçue dans certains secteurs. »