La solvabilité des TPE/PME s'est nettement améliorée depuis le 2 ème trimestre 2020, grâce aux PGE et aux aides en trésorerie. Davantage même dans l'Hébergement Restauration que dans les autres secteurs. C'est le grand enseignement de l'étude réalisée par le Conseil d'analyse économique (CAE). Le CAE a épluché les comptes bancaires de 115 000 entreprises, dont près de 9 000 appartenant à la branche. A court terme, le risque d'illiquidité et d'explosion des défaillances est limité. Mais une partie des HCR d'Ile-de-France nécessite une vigilance particulière.
Il ne s’agit pas ici d’un sondage d’opinion, à l’échantillon étriqué et sujet à caution. Mais bien d’une étude de fond conduite par les meilleurs économistes à partir d’informations fiables et irréfutables. L’équipe du CAE, ainsi, a analysé 115 000 comptes bancaires du Crédit Mutuel Alliance Fédérale. Les données qu’elle a examinées vont de novembre 2019 à août 2021. Ce « focus » retrace ainsi l’évolution de leur situation financière en termes de trésorerie et d’encours net.
Première conclusion de cette investigation, la situation de trésorerie des entreprises s’est nettement améliorée dans la quasi‐totalité des secteurs d’activité. Et plus encore pour celles relevant du secteur S1, les plus aidées pendant la crise. Et plus encore pour celles, parmi elles, qui ont recouru à un PGE.
Les différents graphiques et tableaux intégrés dans la synthèse publiée le 29 septembre illustrent ce spectaculaire retournement, amorcé dès le printemps 2020. Avant une légère rechute entre novembre 2020 et février 2021, correspondant au second confinement. Mais dès mars, les trésoreries allaient rapidement s’assainir dans une majorité d’entreprises.
Ainsi pour l’Hébergement Restauration, seulement 0,69 % des 9 000 auditées présentaient, à fin août 2021, une situation de liquidités classée comme « très faible » par le CAE. Alors qu’au contraire, 19,91 % présentaient une situation de liquidités « très bonne ».
En meilleure santé financière au printemps 2021 qu’à l’hiver 2020 !
Paradoxalement, en novembre 2019, quatre mois avant le déclenchement de la crise, les situations de trésorerie étaient beaucoup moins flatteuses. Environ 23 % des entreprises affichaient à l’époque une trésorerie « faible » ou « très faible » contre 8 % en août 2021. Et environ 21 % atteignaient un niveau de liquidités bon ou très bon, contre 51 % 10 mois plus tard. Les aides de l’Etat pourraient donc bien avoir surcompensé les pertes dues à la crise sanitaire…
Par comparaison, dans la Construction, 13,21 % des 14 700 entreprises auditées affichaient fin août une trésorerie très faible, tandis que seulement 6,17 % disposaient d’une très bonne trésorerie. Il est vrai que ce secteur a été beaucoup moins aidée.
Résultats assez similaire pour l’encours net bancaire des entreprises (qui traduit leur situation financière net, crédits non remboursés inclus). Sur ce critère de solvabilité, l’Hébergement Restauration, là aussi, s’en tire mieux. Après avoir subi une forte dégradation pendant les deux premiers confinements, leur situation s’améliorait très nettement à partir de février 2021.
Des entreprises demeurent très fragiles, en Ile-de-France notamment
Fin août, ces entreprises H&R n’étaient plus que 4,43 % en situation financière « très faible », contre 11,73 % en situation « très bonne. » Là, aussi, le contraste avec la Construction est saisissant. Ce secteur compte encore 13,21 % d’entreprises financièrement très affaiblies et n’en dénombre que 6,17 % en très bonne situation.
Bien entendu, ce focus ne prétend pas brosser un tableau exhaustif et encore moins définitif de la situation. Il aurait fallu pour cela des indicateurs supplémentaires et des ciblages géographiques. Pour autant, il reflète objectivement la réalité à fin août. Et il tord le cou, au passage, aux discours catastrophistes tenus ici et là.
Pour autant, tous les signaux ne passent pas encore au vert. « Dans certains secteurs ou régions (notamment construction, industrie manufacturière, information et communication, PME dans l’hébergement restauration en Île‐de‐France) une petite partie des TPE et PME appelle une vigilance particulière, met en garde le CAE. Pour ces entreprises, les risques d’insolvabilité (du fait de l’utilisation de la dette PGE pour financer les pertes de la crise) paraissent plus forts que les risques d’illiquidité. »
Une analyse à poursuivre pour examiner les conditions de remboursement des dettes accumulées (PGE…)
Le CAE suggère d’ailleurs qu’il ne compte pas en rester là. En replongeant dès 2022 dans les comptes bancaires de ces mêmes sociétés, les données qui en seront extraites, permettront, soulignent les auteurs, de vérifier dans les mois à venir « dans quelle mesure la reprise de l’activité compense la baisse des aides et donc à quel rythme la dette accumulée par certaines des entreprises pourra être remboursée.»
Le CAE, quoi qu’il en soit, invite l’Etat à la prudence dans le retrait des aides pour les secteurs toujours fragilisés au deuxième semestre 2021 (les secteurs culturels et événementiels, en particulier). « La question de la soutenabilité de la dette pour certaines entreprises de ces secteurs devra être examinée par les différents créditeurs (Banques, État, URSSAF, fournisseurs). »
A propos du Conseil d’Analyse Economique
Placé auprès du Premier ministre, le Conseil d’analyse économique a pour mission « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ».
Le Conseil d’analyse économique réalise, en toute indépendance, des analyses économiques pour le gouvernement et les rend publiques. Il examine les questions soumises soumises par le Premier ministre et par le ministre chargé de l’économie. Le CAE peut procéder de sa propre initiative à l’analyse prospective de questions économiques qu’il estime pertinentes pour la conduite de la politique économique du pays. Il est composé d’économistes universitaires et de chercheurs reconnus.
Le CAE est une instance pluraliste composée d’économistes professionnels, de sensibilités diverses. Il comporte des membres nommés à titre personnel pour leurs travaux de recherche en économie. Ainsi que des correspondants venant plutôt du secteur économique des entreprises.
Font notamment partie du CAE : Philippe Martin président délégué du CAE et professeur à Sciences Po, Jean Tirole, président de président de l’École d’économie de Toulouse, prix Nobel d’Economie (2014), Stéfanie Stancheva, professeur à l’Université de Harvard, Camille Landais professeur à la London School of Economics (LSE),