Publié à la mi décembre sans publicité particulière, le Mémento du Tourisme constitue pourtant la Bible officielle statistique de la filière Tourisme. Agrégeant en effet les données officielles les plus récentes, françaises (Insee, Comptes Nationaux,Compte Satellite du Tourisme, CRT…), européennes (Eurostat) et internationales (Organisation Mondiale du Tourisme), il brosse un solide portrait du Tourisme en France à fin 2015.
Le Mémento permet également de comparer les performances de notre pays avec ceux de ses principaux concurrents à l’échelle de la planète. A commencer par les Etats-Unis, l’Espagne et désormais la Chine. Ces comparaisons internationales démontrent, malheureusement, que les performances françaises sont nettement moins brillantes que les pouvoirs publics ne les présentent.
Si la France conserve encore sa première place pour le nombre d’arrivées internationales (84,5 millions en 2015), la progression du nombre d’arrivées dans notre pays a été beaucoup plus faible (+0,9 %) que celles enregistrées par les deuxième et troisième du classement mondial, à savoir les Etats-Unis (+ 3,3 % pour 77,5 millions d’arrivées) et l’Espagne (+ 5,1 %, pour 68,2 millions).
Globalement surtout, la France continue de perdre des parts de marché. En 2015, le nombre de visiteurs internationaux se rendant dans l’hexagone et les DOM-TOM ne pesait plus que 7,1 % de la population touristique mondiale, contre 7,4 % fin 2014 et 10,6 % en 1980. Et pendant que le nombre de touristes dans le monde augmentait chaque année d’au moins 4 % depuis 2010, il progressait seulement de 1 % dans l’hexagone en l’espace de deux ans.
On voit donc mal comment la France pourra accueillir 100 millions de touristes internationaux à l’horizon 2020, son objectif officiel. Cela supposerait, arithmétiquement, une croissance des entrées de 17 % en 5 ans, soit une croissance annuelle moyenne de 3,4 %. Nous en sommes très loin.
Mais le plus inquiétant dans la situation de la France tient surtout à la baisse des recettes générées par ses visiteurs étrangers. Un fait sans précédent depuis 2010. Selon les données provisoires de l’OMT, en 2015 celles-ci auraient en effet reculé de 5,4 % à 41,4 milliards d’euros, quand, cette même année, elles augmentaient de 4 % en Espagne (50,9 milliards d’euros) et de 6,9 % aux Etats-Unis (184,3 milliards d’euros).
La France a désormais rétrogradé au quatrième rang mondial pour les recettes et perdra sans doute encore une place en 2016 au profit du Royaume-Uni qui la talonne (41 milliards de recettes). Le Tourisme français se situe encore plus loin quand on regarde les recettes générées par visiteur. Sur ce paramètre clef, la comparaison fait vraiment mal.
En 2015, un touriste étranger séjournant en Italie dépensait en moyenne 675 euros (34,2 milliards de recettes réparties entre 50,7 millions de visiteurs). En Espagne, il dépensait 746 euros (50,9 milliards de recettes pour 68,2 millions de visiteurs). En Allemagne, 949 euros. Au Royaume-Uni 1192 euros. Et aux Etats-Unis 2378 euros… En France ? Chacun de nos hôtes internationaux a dépensé en moyenne 490 euros en 2015 et guère plus en 2014 (523 euros) ! Certes, il s’agit d’une moyenne théorique, les écarts de dépenses étant considérables selon le train de vie et la durée du séjour des touristes. Elle n’en demeure pas moins frappante et symptomatique.
Reste à analyser ses résultats, ce que le Mémento ne fait pas. Comprendre les raisons du déclin français (déclin certes relatif) est un exercice complexe. La plus grande difficulté d’ailleurs n’étant pas d’identifier ses causes mais de les pondérer. Terrorisme, insécurité, mouvements sociaux, qualité-prix des prestations, météo… Autant de causes qui n’ont pas le même degré d’influence sur les choix de destinations qu’opèrent les visiteurs internationaux. Cette analyse, les pouvoirs publics et la filière doivent pourtant absolument la mener, sans complaisance et avec rigueur.
Invoquer les évènements tragiques qui se sont produits en 2015 ne peut tenir lieu de seule explication. Même si les attentats du 7 et 9 janvier (Charlie Hebdo, Hyper Cacher) et du 13 novembre (Bataclan, stade de France, cafés du 11 ème arrondissement de Paris) ont évidemment impacté à court et moyen terme le nombre de visiteurs internationaux et par là les recettes.
Car déjà en 2014, la France affichait une progression modeste de ses recettes internationales (+ 1,5 %). Très en dessous de celle de ses concurrents : + 3,7 % pour l’Italie, + 4,2 % en Espagne, + 6,2 % au Royaume-Uni, + 10,2 % en Chine, etc…
Sans une analyse lucide des raisons de cette perte de compétitivité du Tourisme en France et sans actions correctrices d’ampleur, il est à craindre que son déclin ne se poursuive. Mais il n’y aucune fatalité à cela. Le Mémento nous le rappelle : la France a été capable de gagner plus de 15 millions de visiteurs supplémentaires entre 1990 et 2000. Capable aussi de doubler ses recettes annuelles dans le même intervalle : 15,9 milliards d’euros en 1990, 35,7 milliards dix ans plus tard ! 2011 surtout et 2012 dans une moindre mesure constituèrent encore de belles années de croissance. Mais les dernières ! Depuis, nous n’y arrivons plus ! Pourquoi ?
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