Dans des conditions peu glorieuses pour la démocratie parlementaire, l’Assemblée nationale a finalement adopté le 27 octobre une mesure clef du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qu’elle avait repoussée la veille !
Cette mesure, l’article 10 du projet de loi, prévoit à compter du 1er janvier 2018, l’affiliation obligatoire au Régime Social des Indépendants (RSI) des particuliers louant des biens immeubles sur les plate-formes collaboratives lorsque ces derniers en perçoivent un revenu annuel supérieur à 23 000 euros.
L’affiliation au RSI entraînera donc pour ces particuliers, considérés comme des professionnels de la location de meublés, le règlement des cotisations et contributions de sécurité sociale afférentes.
Seront également obligatoirement affiliés au RSI les loueurs de biens meubles (voitures, bateaux, tondeuses, perceuses, appareils photos…) dépassant un revenu annuel de 7 720 euros. Le Gouvernement a accepté de doubler le seuil qu’il avait initialement fixé à 3 860 euros.
Dans les deux cas, l’article 10 prévoit que l’intermédiaire assurant la mise en location pourra, avec un mandat du loueur, effectuer son enregistrement auprès du RSI et prélever directement les cotisations et contributions de sécurité sociale.
Cet article 10 a été adopté lors d’une seconde délibération par 30 députés sur 50 votants. Le même article avait été rejeté la veille (18 députés contre, 14 pour). Le Gouvernement avait toutefois demandé son nouvel examen, le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckeert, expliquant que le vote avait eu lieu «à une heure du matin» et que trois députés PS avaient indiqué ensuite s’être trompés de vote.
Un argument qui a été contesté par les députés de l’opposition. «Tout le monde était très conscient et ce vote est intervenu à l’issue d’une suspension de séance», a ainsi rétorqué le député LR Arnaud Viala.
Sur le fond, les opposants ont fait valoir que les seuils retenus pour imposer cette affiliation au RSI étaient injustifiés. Pour Isabelle Le Callennec (groupe Les Républicains), on va ainsi «corseter une activité qui émerge et concerne des personnes qui veulent plutôt arrondir leurs fins de mois». «C’est invraisemblable de rendre obligatoire l’affiliation au RSI pour les particuliers qui louent leur voiture, leur camping-car, ou leur bateau», avait renchéri Dominique Tian (LR) alors que «ce n’est qu’un complément de revenus».
Même son de cloche du côté de certains élus de gauche. Pour l’écologiste Jean-Louis Roumegas, «on rate l’essentiel de l’économie collaborative. Cela permet de conserver son petit appartement, de payer ses charges, d’aller en vacances dans des petites villes où il n’y a pas d’offre touristique. On va tuer tout cela pour des lobbies professionnels». Quant à la députée apparentée communiste de Nanterre-Suresnes, Jacqueline Fraysse, elle s’étonne qu’on ne taxe pas d’abord les plate-formes collaboratives elles-mêmes et souligne qu' »une telle réforme mériterait de ne pas être traitée à la va-vite, au détour d’un article du PLFSS ».
Enfin, pour le député UDI Charles de Courson, «vous allez avoir une partie (de l’activité) qui va basculer au noir» et «vous verrez les conséquences pour les ménages modestes», prédit-il. Selon, cet expert respecté des finances publiques, cette disposition bouleverse le statut du loueur de meublé professionnel et va l’imposer à des centaines de milliers de particuliers qui n’étaient jusqu’à maintenant que des loueurs occasionnels.
Du côté des députés favorables à l’article, les propos du socialiste Michel Issindou résument bien leur point de vue diamétralement opposé. « A partir de 23 000 euros de revenus sur un meublé, ce qui correspond tout de même à 2 000 euros par mois (NDLR : 1917 euros en réalité) – on est loin de la retraite ordinaire –, déclare-t-il. Au-delà de ces seuils, 7 720 euros dans un cas et 23 000 euros dans l’autre, il s’agit manifestement d’une activité commerciale, qui doit être soumise aux mêmes cotisations et aux mêmes impôts que celui qui exerce avec pignon sur rue une activité hôtelière ou autre. Nous voyons bien, par exemple avec les taxis et Uber, que tous les secteurs seront mis en compétition. Nous ne devons pas en laisser s’instaurer une qui serait déloyale, parce qu’on nous le reprocherait. »
Michel Issindou estime néanmoins « qu’il faudra peut-être réviser les choses au cours de la navette, mais pour l’instant tenons-nous-en au doublement du seuil de 3 860 euros. ». Le Secrétaire d’Etat au Budget assure lui-même que le gouvernement enrichira le texte au Sénat et en deuxième lecture à l’Assemblée, notamment concernant les règles pour les gîtes ruraux et les chambres d’hôtes.
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