Le 7 novembre, deux jours après le vote unanime des sénateurs, les députés ont adopté à une large majorité la proposition de loi renforçant les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale. Ce texte transpartisan réduit l'abattement fiscal dont bénéficient les meublés non classés ainsi que les classés et les chambres d'hôtes. Il généralise l'obligation de leur enregistrement. Il les soumet à un objectif de performance énergétique. Et il autorise une commune, sur délibération motivée, à abaisser à 90 jours la durée maximale de location d'une résidence principale.
Les six mesures phares du texte définitivement adopté le 7 novembre 2024
1 – Obligation d’enregistrement en mairie
- Tous les meublés de tourisme, qu’ils soient résidence principale ou secondaire, quelle que soit la taille de leur commune de résidence, devront obtenir un numéro d’enregistrement unique auprès de leur mairie. Cette obligation entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 20 mai 2026.Un téléservice national sera mis en place. Sanction allant jusqu’à 10 000 euros prévue pour les défauts de déclaration. Portée à 20 000 euros en cas de fausses déclarations.
2 – Possibilité pour les maires d’abaisser de 120 à 90 jours la location d’un résidence principale
- Au 1er janvier 2025, les maires, sur délibération motivée, pourront abaisser de 120 à 90 jours le nombre annuel de jours maximal pendant lesquels une résidence principale peut être mise en location.
3 – Copropriété : une interdiction des meublés à une majorité des deux tiers
- Les assemblées générales pourront interdire les locations de meublés touristiques à une majorité des deux tiers, et non plus seulement à l’unanimité.
4 – Quotas d’autorisation de meublés de tourisme
- Les communes pourront fixer des quotas d’autorisation de meublés de tourisme et délimiter dans leur plan local d’urbanisme des secteurs réservés à la construction de résidences principales. Cette dernière disposition pourra concerner les communes situées en zone tendue, ainsi que celles ayant plus de 20% de résidences secondaires sur leur territoire.
5 – Diagnostic de performance énergétique (DPE) et performances obligatoires
Obligation pour tous les meublés de tourisme (hors résidences principales) d’obtenir d’ici 2034 un DPE entre A et D. Pour les nouveaux meublés loués en zone tendue et soumis à une autorisation de changement d’usage , leur DPE doit être classé au moins F en 2025 et E en 2028.
6/1 – Réduction de l’abattement fiscal sur les meublés non classés
- Abattement de 30% dans la limite de 15 000 euros de revenus locatifs annuels, contre 50% dans la limite de 77 700 euros actuellement. Cette mesure aligne ces meublés sur les locations nues.
6/2 – Réduction également de l’abattement fiscal sur les meublés classés et chambres d’hôtes
- Abattement de 50% dans la limite de 77 700 euros de revenus locatifs annuels, contre 71% dans la limite de 188 700 euros actuellement. Aux yeux du co-rapporteur le socialiste Inaki Echaniz, cet abattement restait encore « trop généreux ». Le sujet devrait revenir lors de l’examen du projet de loi de finances 2025.
Notre dossier sur la proposition de loi adoptée le 7 novembre
Fin en vue d’un feuilleton parlementaire ? Il avait débuté début 2024 avec l’adoption en janvier à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi transpartisane visant à mieux réguler le marché des logements meublés. Le 21 mai, c’était au tour du Sénat d’adopter le texte. Entre temps, était intervenue la dissolution. Ses dispositions législatives étaient donc gelées.
Finalement, dans la soirée du 28 octobre, après quatre heures de débat, députés et sénateurs membres de la CMP, ont trouvé un compromis à une très large majorité (12 de ses 14 membres). Le texte doit maintenir repartir au Sénat le 5 novembre et à l’Assemblée nationale le 7 novembre pour une adoption plénière.
Premier volet de la proposition de loi : renforcer les pouvoirs de régulation et de contrôle
Le texte donne aux maires de nouvelles prérogatives pour réguler le marché des meublés de tourisme. Il s’agit d’outils facultatifs et flexibles permettant aux élus locaux qui le souhaitent d’encadrer la location « au plus prêt des besoins de leur commune ».
Ils auront ainsi la faculté d’instaurer des quotas d’autorisation temportaires de changement d’usage. Ils pourront également délimiter des zones où les constructions nouvelles sont à usage de résidence principale.
Par ailleurs, l’enregistrement de toute location meublée sera généralisé sur tout le territoire. Un enregistrement assorti d’exigences de preuves pour limiter les fraudes et faciliter le contrôle des communes. En particulier pour justifier de la qualité de résidence principale.
Le communes auront le pouvoir de suspendre la validité des numéros d’enregistrement des annonces de meublés de tourisme. Ceci pour leur permettre de sanctionner les manquements et de les faire cesser. Cette suspension entraîne l’obligation pour les plateformes de retirer les annonces concernées.
La CMP a également adopté la possibilité de réviser les règlements de copropriété à la majorité des deux tiers pour interdire la location meublée touristique.
L’abaissement à 90 jours finalement adopté en CMP après un rejet initial du Sénat
De même, les conseils municipaux pourront abaisser à 90 jours le nombre maximal de jours par an de location d’une résidence principale. Un amendement initial adopté en mai par le Sénat prévoyait pourtant de maintenir à 120 jours. Mais il a finalement été rejeté en CMP.
Les sénateurs à l’origine de cet amendement expliquait, notamment, que cette mesure reposait « sur une hypothèse infondée consistant à établir un lien présumé entre la pénurie de logements et la pratique de location temporaire par des propriétaires occupants : l’abaissement de ce plafond, applicable aux seules résidences principales, n’aura aucune incidence sur le marché du logement de long terme, les résidences principales ne pouvant, par définition, être mises sur le marché de la location de longue durée puisque leurs occupants y ont élu domicile et y habitent. ».
DPE des meublés touristiques aligné également sur celui de la location nue
Pour éviter le report de la location nue vers le meublé touristique à chaque échéance fixée par la loi Climat et résilience, les nouveaux meublés de tourisme en zone tendue et soumis à une autorisation de changement d’usage devront attester d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé au moins F en 2025 et E en 2028.
Et au janvier 2034 cette fois, tous les meublés de tourisme devront obtenir un DPE classé au moins D. Ce sera également le cas des logements de location nue de longue durée.
Rapprochement du régime fiscal des meublés touristiques avec celui des locations de longue durée
Le propriétaire d’un logement de meublé de tourisme non classé bénéficiera désormais d’un abattement de 30 %, dans la limite de 23 000 euros de chiffre d’affaires par an.
Le taux d’abattement du régime micro-BIC de la location de meublés de tourisme non classés est donc aligné sur le régime micro-foncier de la location nue.
De même, leur plafond est aligné sur celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), à savoir 23 000 euros de chiffre d’affaires.
Pour les meublés de tourisme classés toutefois, l’abattement sera de 50 %, avec un plafond fixé à 77 700 euros.
Actuellement, les bailleurs de meublés de tourisme peuvent déduire 50 % des loyers perçus, dans la limite de 77 700 euros de revenus. Et 71 % dans la limite de 188 700 euros pour les logements dits classés (labellisés).
Un amendement du Gouvernement adopté par la CMP prévoit que ce dispositif fiscal sera appliqué aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025 (et non du 1er janvier 2024).
La rapporteur Sylviane Noël, sénatrice de la Haute-Savoie (LR), n’exclue pas toutefois des évolutions à venir sur le volet fiscal. « La fiscalité n’était pas l’objet principal du texte. Pour les raisons financières, il y a le projet de loi de finances. Et tout cela peut être remis en cause dans un mois dans le projet de loi de finances », réagit-elle (source Public Sénat).
Atop, Umih, Airbnb…, les réactions des parties prenantes
L’AToP (Association pour un Tourisme Professionnel) salue un accord qui « vient entériner des avancées majeures pour un meilleur encadrement des locations de type « Airbnb » : la généralisation de l’enregistrement des meublés de tourisme, l’extension des obligations relatives au DPE aux locations de courte-durée, la fourniture d’outils de contrôle et de régulation aux élus locaux et la confirmation de la suppression de la niche fiscale dite « micro-BIC » « sont autant d’éléments attendus par les professionnels du tourisme depuis des années.»
Réaction similaire pour l’Umih qui « salue la sagesse des parlementaires; qui se sont accordés sur une boîte à outils pour les maires « enrichie et simplifiée », qui « leur permettra de mieux réguler et d’encadrer les meublés de tourisme pour préserver les logements résidentiels.»
AirBnb regrette, en revanche, « l’addition de mesures ciblant la location occasionnelle qui n’auront aucun effet sur les déséquilibres du marché locatif » a réagi AirBNB. « Bien que nous n’anticipions pas un impact notable sur notre activité, la baisse de la fréquence à laquelle les Français peuvent louer en courte durée leur logement risque de nuire à de nombreuses familles.»
« On espère qu’il (le texte) sera applicable très rapidement. Il va donner des outils assez forts aux élus locaux pour essayer de réguler ces meublés de tourisme », déclaré la sénatrice Sylviane Noël. Et d’ajouter : « Il ne faut pas réduire la problématique de l’éviction de logements permanents vers la location touristique à une question purement fiscale. On résoudra la problématique du logement permanent vers la location touristique en redorant le statut du propriétaire bailleur, fortement malmené. »
La dernière séance !
Retrouvez le dossier législatif relatif à la Proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale
NDLR : à mi-novembre, le texte définitif n’tétait pas encore publié, il est quasi, à un amendement rédactionnel près, avec le texte adopté par le Sénat)