Dans une étude inédite sur les ventes et cessions de fonds de commerce depuis 2017, le groupe Altares observe en 2020 une chute des transactions dans l'ensemble des secteurs d'activité (-10,5 %), encore plus marquée dans l'Hébergement Restauration (-17,7 %). En revanche, leur valeur moyenne augmentait de 6,6 %, à l'exception de celles de quatre secteurs, parmi lesquels les Transports & Logistique (- 17,4 %) et l'H&R (-2,2 %). Le volume de transactions dans la branche continuait de reculer au 1 er semestre 2021 (-14 %). Mais leur valeur moyenne résistait mieux (+1,5 %).
« Ne nous trompons pas dans la perception de ce marché ! », met en garde Altares. La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer une baisse structurelle qui était déjà en cours depuis au moins 5 ans dans tous les secteurs d’activité. Le volume de transactions est ainsi passé de 31 319 en 2017 à 25 320 début 2021. En cumul, le recul se chiffre à 19,2 %, dont 10,5 % pour la seule année 2020.
Cette baisse est encore plus marquée pour l’Hébergement-Restauration. Elle atteint – 21,7 % depuis 2017, dont -17,7 % en 2020. Les mois de fermetures et les réouvertures sous contraintes ont fortement contrarié les négociations et, in fine, les transactions. Bon an mal an, plus de 10 000 cafés, hôtels et restaurants changent de main. Soit plus du tiers des transactions, tout secteur confondu. Mais l’an dernier, on n’en comptabilisait plus que 8 448.
Traditionnellement leader pour le nombre de cessions, la branche a perdu sa 1ère place au 1er semestre 2021. Le secteur du commerce l’a supplantée en cumulant 4 415 transactions contre 3 383 pour l’H&R.
Un faisceau d’explications possibles à cette baisse structurelle
Les valeurs moyennes, elles, ont mieux résisté. Dans l’ensemble de l’Economie, elles ont progressé de 11,2 % depuis 2017 et même de 6,6 % entre 2019 et 2020. Mais l’Hébergement Restauration semble à la traîne, avec une hausse se limitant à 5,5 % depuis 2017. Et la valeur moyenne de ses cessions a même légèrement baissé en 2020 (-2,2 %).
Cette vision d’ensemble de la branche H&R est toutefois infidèle. En réalité, les évolutions sont très contrastées selon les secteurs d’activité. Et les moyennes cachent les écarts réels, à l’intérieur de chaque secteur et entre chaque région. Ainsi, la valeur des débits de boissons (198 K€, chiffre arrondi) a enregistré une progression de + 17,7 % sur les cinq dernières années. Elle a même fait un nouveau bond de 19 % au 1er semestre 2021. Alors que celle des Traiteurs (96 K€, chiffre arrondi) reculait de 16 % entre 2017 et 2020. Pour rebondir toutefois au 1er semestre 2021 (+ 52,1 %).
Il reste à trouver des explications à cette baisse quasi générale du volume des transactions. Les offres de cession se font-elles plus rares ? Ou, au contraire, ne trouvent-elles pas preneurs ? Les successeurs, qu’ils soient familiaux ou cadres en place, font-ils défaut ? « Ou bien est-ce le savoir-faire métier, indispensable pour reprendre un fonds, dans les métiers de bouche ou de la coiffure par exemple, qui manque chez les repreneurs ? » se demande Thierry Millon, directeur des études chez Altares.
Redonner de l’élan à la transmission des fonds de commerce
Le volet financier, tiraillé entre les prétentions du vendeur et la surenchère baissière ou la fragilité financière de l’acheteur, peut également freiner la vente. « Existe-t-il alors un défaut d’accompagnement du vendeur dans l’établissement du « juste prix » ?, questionne Thierry Millon. Et puis, bien entendu, subsiste aussi un risque commercial, qui tienne à plusieurs facteurs énumérés par l’économiste : « La composante essentielle du fonds, la clientèle, peut-elle également être remise en question ? Entre les clients de passage difficiles à fidéliser, les clients fidèles déçus par un changement de propriétaire, ou les clients numériques que l’on ne peut fidéliser qu’à condition d’avoir amorcé une transformation digitale, la création ex-nihilo peut parfois sembler moins risquée. »
« Quelles que soient les réponses, le constat est là : les fonds de commerce sont en perte d’attractivité, conclue Thierry Millon. Redonner de l’élan à leur transmission sera absolument essentiel pour relever les défis de la relance et de la revitalisation de nos territoires. »
Un début de rattrapage au 1er semestre 2021 pour les hébergements
Le nombre de transactions d’Hébergements touristiques a sensiblement augmenté au 1 er semestre 2021 dans les Hébergements touristiques. En revanche, les volumes continuent de baisser dans la restauration traditionnelle et les débits de boissons. Tout secteur confondu, les transactions avaient diminué dès 2019. En particulier celles des hôtels (-9,4 % entre 2019 et 2018). Et celles des débits de boissons (-7 %).
Sources : Altares – Bodacc
Tableau : HR-infos
La valeur moyenne des transactions continue de dégringoler
pour les hôtels et les restaurants traditionnels
La valeur des débits de boissons augmente assez régulièrement depuis 2017. A l’inverse, celle des hôtels décroche, après un bond en avant éphémère au 1er semestre 2020, consécutif à de grosses transactions. La valeur des sites de restauration rapide n’a pas encore retrouvé son niveau de 2019.
(*) : prix tirés par des fonds vendus par KFC
Sources : Altares – Bodacc – valeurs exprimées en Euros
Tableau : HR-infos
Questions à Thierry Millon, directeur des études d’Altares
Vous écrivez : « l’hôtellerie-restauration » sort très affaiblie de la crise sanitaire ». Mais est-ce bien le cas ? Les soutiens de l’Etat et des régions lui ont permis d’amortir le choc. La sinistralité a été faible. La majorité des établissements H&R, hormis l’hôtellerie parisienne, ont retrouvé des niveaux d’activité proches de ceux de 2019 et supérieurs à ceux de 2020. Et des milliers de créations chaque mois continuent d’étoffer le parc d’établissements. Certes, les transactions en 2020 ont reculé. Mais n’est-ce pas en raison de décisions d’opportunité. Reculer pour mieux céder… Attendre que la crise passe, que les aides se poursuivent et vendre ensuite. Par conséquent, ne faut-il pas s’attendre à un rebond dès 2022, une fois les volumes et la rentabilité à peu près rétablis ?
« Le secteur de la restauration a effectivement été très accompagné par les soutiens publics. Ce qui lui a permis de contenir les défaillances d’entreprises à un niveau très bas. En cela, la restauration est alignée aux autres activités qui ,elles-aussi, s’inscrivent en forte « résistance » en 2020.
En 2021, la restauration, toujours sous contrainte sanitaire, continue de contenir ses dépôts de bilan à niveau très bas. Avec des tendances plus favorables que celles relevées sur l’ensemble de l’économie ; recul des défauts de 54% en restauration à table sur le 1er trimestre 2021 contre -31% sur l’ensemble des secteurs. Sur le 2e trimestre l’écart se creuse encore. Pendant que les défaillances augmentent de 13% tous secteurs confondus, elles reculent encore de 34% en restauration à table.
Ces bons chiffres de défaillances ne doivent pas masquer une réalité plus sévère. Les établissements ont tenu mais les bilans restent fragiles. Les aides ont permis de tenir mais pas de renforcer durablement des structures financières qui restent faibles ; peu de fonds propres et peu de liquidité. Le niveau des règlements fournisseurs en souffrance (observé par Altares) reste encore élevé dans ce secteur alors qu’il s’est résorbé dans les autres activités.
La dynamique de création est elle aussi faible (si on exclut les micro-entreprises de restauration rapide). Ensemble CHR -12.6% pour les créations de sociétés et -43.2% pour les entreprises individuelles hors micro-entreprises (chiffres INSEE 2020). En restauration rapide par exemple, les créations sous régime de micro-entreprises ont bondi de 56% en 2020. Mais elles reculaient de plus de 12% en statuts « classiques ».
En terme de chiffre d’affaires, une étude récente (NPD Group) révèle que de janvier à juillet, par rapport à l’activité d’avant-Covid 19, le chiffre d’affaires a reculé de 45% et la fréquentation de 39%. C’est la restauration à table qui aurait le plus souffert. Ele aurait perdu les deux tiers de son chiffre d’affaires, soit -68% à fin juillet, contre -17% pour la restauration rapide.
Dans ces conditions, il était difficile, et restera difficile de céder son fonds de commerce de restauration. Il y a toujours des transactions qui prennent du temps avant la signature des parties, des hésitations. Mais en période Covid, les hésitations ont été encore plus grandes. Impossible, pour l’acheteur, de connaitre la fin de la fermeture administrative, de connaitre les conditions de réouvertures (il n’était pas encore question de pass sanitaire). Le cédant qui a pu trouvé un repreneur capable de financer l’opération et signer en dépit de la fermeture de l’établissement a vendu sans attendre. De plus les belles affaires ont été faites. Mais beaucoup n’ont pu trouver de repreneurs. »
Le nombre de transactions a chuté dans cette branche, plus qu’ailleurs. Mais les prix de cession ont plutôt bien résisté. Au 1 er semestre 2021, ils sont même repartis à la hausse. Quelles sont vos prévisions sur le 2ème semestre et sur 2022 ?
En 2021, nous aurons sur le marché des fonds non cédés en 2020. S’y ajouteront les cessions du millésime 2021 qui sera encore faible. Donc en 2022 ,il pourra y avoir beaucoup plus d’offres que le marché ne peut l’absorber. Les acheteurs risquent de manquer. Et la hausse attendue des taux conjuguée à une hausse des risques des portefeuilles bancaires pourraient également davantage discriminer la distribution de crédit.
L’activité 2022 est espérée enfin plus sereine pour la restauration. Mais c’est le client le maitre des horloges. Or le pouvoir d’achat attendu plus contraint, notamment sous la pression du coût de l’énergie ,peut noircir les perspectives. »
Un baisse du marché des fonds de commerce antérieure à la crise sanitaire
Depuis 2017, le nombre de cessions a baissé de 19,2 % dans l’ensemble des secteurs
et de 21, 7 % dans l’Hébergement Restauration
De grandes disparités dans l’évolution des valeurs moyennes, celles des HCR n’augmentant que de 5,5 % en 4 ans,contre 11,2 % pour l’ensemble du marché
Méthodologie et précisions
Le champ d’analyse
Son périmètre porte sur l’exploitation de l’ensemble des annonces de ventes et cessions publiées au Bodacc. Les mentions clés publiées au Bodacc, à savoir la date de l’acte, les coordonnées du repreneur, le montant d’acquisition du fonds et les coordonnées du précédent propriétaire ont été enrichies de datas complémentaires extraites des bases d’Altares. Certaines transactions peuvent avoir été publiées sur plusieurs annonces complémentaires ou rectificatives. Celles-ci ont fait l’objet d’un redressement Altares pour l’analyse afin de ne conserver que des opérations distinctes.
Définition de la moyenne des prix d’acquisition
Le prix moyen représente la somme des montants d’acquisition des fonds divisée par le nombre de transactions. Cette moyenne est calculée sur la population des transactions dont le montant est compris entre 10 K€ et 10 M€. Ce champ spécifique permet de dégager des tendances cohérentes sur les prix d’acquisitions pratiqués excluant quelques opérations très fortes (plusieurs centaines de millions d’euros) ou à l’inverse trop faibles ou non significatives pouvant perturber les résultats.
Valeur de cessions de fonds la plus élevée au 1er semestre 2021 : https://www.bodacc.fr/annonce/detail-annonce/A/20210079/1318
Valeur de cessions la plus élevée en 2020 : https://www.bodacc.fr/annonce/detail-annonce/A/20200046/1883
(source : Altares)