Enjeux des premières élections des représentants des travailleurs des plateformes de livraison

Une première dans l’histoire sociale du secteur. Du 9 au 16 mai, 84 000 livreurs à vélos et 30 000 chauffeurs de VTC voteront en ligne pour élire leurs représentants qui négocieront les accords sociaux. Une élection déterminante pour construire un socle de droits protecteurs pour ces travailleurs indépendants. En premier lieu, le tarif minimum de la course et des protections sociales en matière, notamment, d’accident du travail, de maladie, de formation. Neuf organisations syndicales ont obtenu l’agrément pour se présente au suffrage des livreurs.

Une première dans l'histoire du secteur. Du 9 au 16 mai, 84 000 livreurs à vélos et 30 000 chauffeurs de VTC ont voté en ligne pour élire leurs représentants qui négocieront les accords sociaux. Une élection déterminante pour construire un socle de droits protecteurs pour ces travailleurs indépendants. En premier lieu, le tarif minimum de la course et des protections sociales en cas d'accident, de maladie, de formation... Neuf organisations syndicales ont obtenu l'agrément pour se présente au suffrage des livreurs. Seuls cinq ont été déclarées représentatives.

La participation à cette première élection ne devrait pas être élevée. Pour simplifier le vote, les livreurs voteront pour un sigle syndical, non pour une liste. Pas sûr que cela suffise à la porter au-delà de quelques pourcents. En 2021, lors du scrutin de représentativité syndicale chez les 5 millions salariés des TPE et employeurs particuliers, elle avait atteint 5,4 %. Photo : Syda Production - Adobe Stock.
(Mise à jour 16 mai)

Une participation bien en-deça des attentes de l’Etat qui tablait sur 5 %. Elle n’a finalement pas dépassé 1,83 % chez les livreurs. Ce qui représente 1 547 suffrages exprimés pour 84 243 personnes autorisées à voter. Chez les 39 141 chauffeurs de VTC autorisés à voter, la participation atteint 3,91 %.

Bilan des courses, sur neuf organisations en lice chez les livreurs, quatre organisations seulement ont atteint les 5 % requis pour être représentées dans les négociations menées à l’échelle nationale.

La Fédération nationale des autoentrepreneurs et microentrepreneurs (FNAE) devance de quelques dizaines de bulletins la CGT (28,45 % contre 27,28 %). L’Union-indépendants arrive en troisième position (22,32 %). Suivie, loin derrière (5,69 %), de la Fédération SUD commerces et Services – Solidaires.

Côté recalés, trois grosses organisations : la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), l’Unsa et FO. Ainsi que la Confédération nationale des travailleurs – Solidarité ouvrière (CNT-SO). Et la CFTC.

Un dialogue social à instaurer pour bâtir un socle de droits sociaux collectifs

L’enjeu de cette élection est double. Elle vise d’abord à instaurer un dialogue social à l’échelle nationale entre représentants des travailleurs et des plateformes. De ce dialogue devra naître ensuite un socle de droits sociaux collectifs pour ces travailleurs qui en sont largement privés aujourd’hui. Droit à une indemnisation digne de ce nom en cas d’arrêt maladie, d’accident du travail ou de maladies professionnelles. Droit à une mutuelle santé. Accès une formation professionnelle… Et, bien entendu, droit à une meilleure rémunération. Et à une plus juste répartition de la valeur entre plateforme et livreur.

Mais l’enjeu est aussi de conforter le statut de travailleur indépendant. En le dotant pour la première fois d’une représentation collective chargée de négocier et d’obtenir des plateformes des avancées sociales.  Officiellement, la position majoritaire chez les syndicats en lice, hormis la FNAE (*) et la FNTR (**), est de laisser le travailleur libre de choisir sa situation. Soit rester travailleur indépendant. Choix qui, pour l’instant, semble avoir la préférence de la majorité d’entre eux. Soit demander sa requalification en CDI.

Une directive européenne en vue pour améliorer les conditions de travail et clarifier le statut professionnel

Ce modèle de travailleur indépendant a également la préférence du gouvernement français. Mais sera-t-il demain le seul cadre contractuel normatif ? Rien n’est moins sûr. En Europe, la France semble d’ailleurs faire cavalier seul. Plusieurs pays de l’Union envisagent des évolutions législatives différentes. Comme le révèle l‘Observatoire des plateformes digitales  qui suit de près les initiatives lancées en Europe.

D’autre part, la Commission européenne prépare une proposition de directive qui prévoit et clarifie les deux statuts professionnels. Cette directive qui vise à améliorer les conditions de travail des travailleurs de plateforme numérique fixera, en effet, une liste de critères de contrôle permettant de déterminer si la plateforme est un «employeur».  Il suffira que celle-ci remplisse au moins deux de ces critères pour qu’elle soit présumée employeur. Dans ce cas, les livreurs qui exerceront une activité via la plateforme pourront obtenir le statut de «travailleur salarié». Avec les droits sociaux et les droits du travail qui en découlent.

Un seuil de représentativité des syndicats fixé à 5 % 

Une ordonnance datant d’avril 2021 a fixé cette première élection de mai 2022. Elle prévoit l’instauration d’une représentation collective des travailleurs indépendants de plateformes de la mobilité (VTC, livraison), fondée sur une élection nationale. L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE), organisme « tiers de confiance » mis en place fin 2021, organise cette élection et veille à son bon déroulement.

Par son vote, chaque électeur contribue à la désignation de ses représentants parmi les neuf organisations candidates concourant à la représentant des livreurs. Les organisations devront avoir recueilli au moins 5% des suffrages pour être reconnues représentatives. Elles pourront ainsi, dès l’été 2022, désigner les représentants chargés de porter les revendications des travailleurs indépendants. En matière de revenu, de formation, d’organisation du travail, de risques professionnels, etc.. Les listes des organisations candidates pour le secteur des VTC, et celui des livreurs de marchandises ont été publiées par l’ARPE.

  • * FNAE : Fédération Nationale des Autoentrepreneurs et Microentrepreneurs.
  • ** FNTR : Fédération Nationale des Transporteurs Routiers
Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion

« Il s’agit d’un rendez-vous historique pour l’ensemble de ces professions. Avec l’organisation de ces élections notre ambition est claire : que le dialogue se développe entre les représentants des travailleurs et ceux des plateformes, pour leur permettre de bénéficier de nouveaux droits et d’exercer leur activité dans de meilleures conditions. Tout en respectant le statut d’indépendant auquel la plupart d’entre eux est attachée ».

Bruno Mettling, président du conseil d’administration de l’ARPE
(Autorité des Relations sociales des Plateformes d’Emploi)

« Il est essentiel d’assurer une bonne protection des représentants des travailleurs de plateforme comme il existe une protection pour les salariés dans entreprises. Ils disposeront donc d’une garantie sur la nature du contrat, qui est un contrat commercial, les liant aux plateformes. La France est le premier pays qui aura ainsi mis en place un processus public, encadré par des textes, qui permet à des travailleurs indépendants de désigner leurs représentants. À travers l’organisation de ces élections, la France envoie un message puissant de reconnaissance de leur dignité et de leur légitimité à toute une population de nouveaux travailleurs ».

Qui peut voter ?
  • Les travailleurs indépendants votent, quelle que soit leur nationalité, s’ils remplissent les conditions suivantes :
  • > Être inscrit sur les listes électorales en tant que travailleur indépendant exerçant dans le secteur des VTC, ou dans celui de la livraison de marchandises en véhicule à deux ou trois roues, motorisés ou non,
  • > Avoir réalisé au moins 5 prestations, pendant au moins 3 mois, par l’intermédiaire d’une plateforme de mise en relation entre juillet 2021 et décembre 2021.
Comment voter ?

Un exemple de flyer syndical distribué aux livreurs

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