Lancement du plan de relance Tourisme pour mobiliser 8,3 milliards d'euros d'investissements. Chômage partiel accordé jusqu'à fin décembre. Fonds de solidarité élargi et prolongé. Création d'un PGE "Saison". De nouvelles exonérations de charges. Un doublement du plafond journalier des Titres restos... Au total, un engagement de plus de 18 milliards d'euros pour les finances publiques.
Un Comité interministériel du Tourisme exceptionnel, historique même, s’est tenu le 14 mai. Exceptionnel par le nombre et l’ampleur des mesures annoncées, 21 au total pour un montant potentiel de 18 milliards, pour un secteur qui connait la pire crise de son histoire… Historique par la portée temporelle de ces mesures. Elles soutiennent la filière dès aujourd’hui et accéléreront, espérons-le, son rebond jusqu’à l’horizon 2023.
Des mesures structurées, par conséquent, autour de trois échéances. Le temps court d’abord, l’urgence, éviter le naufrage d’un secteur tout entier, menacé de faillites généralisées. Le moyen terme, ensuite, à savoir la préparation du déconfinement et de la saison estivale. Et le long terme, enfin, celui de la reconquête. Des mesures qui, par conséquent, concernent la trésorerie des entreprises et leurs investissements productifs. Sans oublier la stimulation de la demande clients.
Dans ce très long éventail de mesures (lire ci-dessous), une dizaine tout particulièrement nous semble résumer la globalité et la cohérence de ce plan de soutien. D’une part, les mesures pro trésorerie. Avec la création d’un nouveau Prêt « Saison », le prolongement du fonds de solidarité et son réajustement à hauteur de 10 000 euros. Sans oublier des exonérations de cotisations salariales et patronales pour au moins quatre mois.
Bénéfique aussi à la trésorerie et aux salariés, le prolongement du chômage partiel jusqu’en septembre, voire décembre. Une mesure coûteuse certes (moins qu’un retour à la TVA à 5,5%…), mais ciblée celle-ci. Mais jugée pourtant insuffisante par l’AhTop (lobby patronal) qui voudrait la voir poursuivie jusqu’à l’été 2021. Le chômage partiel permettra aux établissements de se relancer avec un effectif ajusté aux prévisions d’activité. Sachant que l’application des protocoles sanitaires limitera le nombre de clients à servir pendant le service. Jusqu’à ce que le Covid-19 disparaisse ou ne soit plus considéré comme dangereux…
Une mesure intelligente et qui n’est pas la plus coûteuse
A retenir ensuite la nouvelle panoplie des aides à l’investissement. Ainsi, l’enveloppe des prêts Tourisme de Bpifrance, passera de 250 M€ à 1 milliard. L’Etat va également tripler, à 225 millions d’euros, le Fonds Tourisme Social Investissement pour soutenir les structures du tourisme social. Enfin, et c’est le plus gros morceau à long terme, les bras armés de l’Etat que sont la Caisse des dépôts et Bpifrance vont engager un plan d’investissement de 1,3 milliard en fonds propres. Investissements qui devraient attirer près de 6,8 milliards de financements privés.
Ce n’est pas la plus coûteuse, mais elle est la bienvenue : la création d’une plateforme digitale d’information et d’orientation. Difficile pour les entreprises de s’y retrouver dans la jungle des aides et des prêts en tout genre. https://www.plan-tourisme.fr/ devrait permettre à chacune d’entre elles d’identifier les aides nationales et régionales dont elles peuvent bénéficier.
L’Etat et la filière n’ont pas omis, au moins a minima, de stimuler la demande intérieure. De deux manières. En doublant à 38 euros le plafond d’utilisation des titres restaurants. Et en préparant une campagne de communication Atout France sur le thème « Ce été, je visite la France ». La troisième annonce, initialement prévue fin mai, va dans le même sens. La décision est désormais actée, sous réserve que l’amélioration sanitaire se confirme. Tous les établissements de la filière touristique, dont bien sûr les cafés et les restaurants, pourront ré ouvrir le 2 juin prochain dans les 69 départements situés en zone verte. Sous réserve d’avoir validé leur protocole sanitaire. Protocole qui fait l’objet d’un désaccord entre l’Etat et les syndicats patronaux sur la question de la jauge de 4 m2 par personne dans les établissements.
Une grande oubliée selon les OP, l’indemnisation des pertes d’exploitation
Reste malgré tout, dans ce plan de soutien, une mesure considérée comme oubliée par les organisations professionnelles de la branche (Umih et GNI). C’est la contribution qu’elles attendaient des assureurs à la couverture des pertes d’exploitation. Du coup, leurs réactions à ce plan montrent peu d’enthousiasme. L’Umih considère, certes, plusieurs de ses demandes satisfaites (on en a compté 11). Mais la confédération parle aussi de « points noirs qui demeurent » et de « freins importants ». A savoir la couverture des pertes d’exploitation (l’Umih demande à l’Etat de légiférer) et l’annulation des loyers pour six mois. Tandis que le GNI va jusqu’à considérer que ce comité, « s’il comporte une bonne nouvelle » (l’ouverture le 2 juin) « laisse un goût très amer ». Et que « le compte n’y est pas », en raison de « mesures totalement absentes comme celles relatives aux loyers ou aux assurances. »
Le CIT est-il bien la bonne institution pour régler ce conflit entre les assureurs et la branche ? Sans doute pas. Les assureurs n’y participent pas, n’appartenant pas à la filière. Le sujet « perte d’exploitation » va continuer, en tous les cas, d’échauffer des esprits prompts à trouver des boucs émissaires et de polluer les débats. Et de desservir l’Etat lui-même, dans l’opinion que s’en font les entrepreneurs. Malgré les 6, 5 milliards d’euros déjà décaissés pour soutenir la branche. La voie est étroite pour le Gouvernement qui n’entend pas créer, semble-t-il, de taxe spéciale. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas avoir d’autre choix que de continuer à concourir un compromis avec les intéressés sur un contentieux à plusieurs milliards d’euros.
Les mesures annoncées par le Premier ministre
Les deux axes du plan de soutien
- 1/ limiter les faillites et les licenciements pour éviter sa dépression
- 2/tracer des perspectives de moyen-long terme et préparer activement sa réouverture à court terme
Un plan massif d’investissements
- plan d’investissements en fonds propres de 1,3 milliards d’euros de la Caisse des Dépôts et de Bpifrance
- effet de levier de 6,7 milliards d’euros en investissements privés
- renforcement en parallèle du dispositif France Tourisme ingénierie pour optimiser les projets d’investissement
- enveloppe des prêts Tourisme Bpifrance portée de 250 millions d’euros à 1 milliard d’euros
Un nouveau prêt Trésorerie
- création d’un Prêt Garanti par l’Etat « Saison », aux conditions plus avantageuses encore que le PGE, avec un plafond pouvant atteindre le CA des trois meilleurs mois 2019
Des mesures d’exonération des cotisations et d’allègement de taxes
- prolongation du fonds de solidarité jusqu’au 31 décembre 2020, avec jusqu’à 10 000 euros d’aides
- accès élargi à des entreprises de plus de grandes tailles, jusqu’à 20 salariés et 2 milions de CA
- report des mensualités de prêts bancaires sur 12 mois (et non pas 6 comme aujourd’hui)
- exonération de cotisations de mars à juin, avec exonération prolongée jusqu’à la fin des fermetures
- ces allègements de cotisations représentent au global 2,2 milliards d’euros
- chômage partiel prolongé jusqu’en septembre, au-delà si les activités reprennent trop lentement
- possibilité offerte aux collectivités locales d’alléger les taxes de séjour
- dégrèvement des 2/3 des cotisations foncières des entreprises de la branche
Soutien de la demande
- doublement du plafond d’utilisation des titres restaurants, de 19 à 38 euros
- possibilité d’utiliser les TR le week-end
- « Cet été je visite la France » : campagne de communication portée par Atout France dès juin 2020
Accompagner la réouverture du secteur
- création d’un guichet unique numérique www.plan-tourisme.fr
- pour les départements verts, ouverture des cafés et restaurants envisagée le 2 juin sous réserve
- pour cela, les protocoles sanitaires doivent être prêts et validés
- les Français pourront partir en vacances en France en juillet et en août
- engagement de quatre syndicats (UMIH, GNI, SETO, EDV) pour un remboursement intégral en cas d’annulation liée au Covid-19 des réservations nouvelles
- plan spécifique en préparation pour le tourisme social, pour faciliter les déplacements et les voyages