Le Gouvernement vient de présenter son projet de réforme de l'assurance chômage. Projet qu'il s'est résolu à concevoir lui-même, les partenaires sociaux, qui négociaient depuis l'automne 2018, n'ayant pas réussi à se mettre d'accord sur un texte. Ce projet a deux finalités : réduire le coût du chômage indemnisé et baisser le nombre de chômeurs. Un projet qui dans sa mouture actuelle fait l'unanimité des partenaires sociaux contre lui...
L’Unedic dépense en effet chaque année 40 milliards et accumule désormais 35 milliards de dettes. Le Premier Ministre Edouard Philippe a déclaré viser avec cette réforme une économie de 3,4 milliards d’euros sur la période 2019 à 2021, en réduisant les dépenses d’indemnisation et en augmentant les recettes de cotisations.
En parallèle, l’Etat table sur une diminution du nombre de chômeurs de 150 000 à 250 000 d’ici 2021. Il entend pour cela mieux accompagner les demandeurs d’emploi et inciter les entreprises à proposer davantage de CDI et à rallonger la durée des CDD plutôt que de recourir à des missions d’intérim ou des CDD très courts, de moins d’un mois notamment.
Actuellement, en effet, 70% des embauches correspondent à des contrats de moins d’un mois, dont 30 % d’un jour ou moins. En outre, 85% de ces contrats de moins d’un mois sont signés chez le même employeur. Les CDD, dans leur globalité, représentent d’ailleurs 87 % des nouveaux contrats de travail. Ces CDD, cumulés à l’intérim, représentent un déficit de près de 9 milliards d’euros pour l’assurance chomâge.
Pour dissuader les entreprises de multiplier les contrats ultra courts, facteurs aussi de précarité sociale, le Gouvernement va instaurer un bonus-malus sur les cotisations patronales. A ce stade, le gouvernement n’a pas explicitement précisé le seuil (1 mois ?) à partir duquel le bonus-malus sera appliqué.
Dans une première phase d’expérimentation, qui devrait durer au moins deux ans, le bonus-malus sera limité à sept secteurs très consommateurs de contrats précaires, en excluant toutefois les entreprises de moins de 11 salariés. Le critère de ciblage a été le taux de séparation supérieur à 150 % constaté dans ces branches, ce qui signifie que chacune d’entre elles signe au moins trois CDD pour deux CDI ou encore au moins 150 contrats d’intérim pour 100 CDI.
Ces sept secteurs emploient plus de 2,4 millions de personnes (vs 19 millions dans la totalité du privé) au sein de 38 000 entreprises. Ils représentent 34 % des fins de contrats assorties d’inscriptions à Pôle Emploi.
Parmi ces secteurs, l’Hébergement Restauration. Selon une source sociale professionnelle, le taux de séparation y atteindrait 170 %. Selon nos estimations, près de 25 000 entreprises sur les 175 000 que comptent la branche serait impactées. Celles-ci emploient 597 000 salariés sur les 1,03 millions de l’ensemble du secteur.
Le Gouvernement, à ce stade, s’est borné à présenter les pourcentages du bonus-malus, sans préciser leur progressivité. Les cotisations varieront de 3 % pour celles qui auront droit à un bonus, à 5 % pour celles qui seront frappées par le malus. Selon une source professionnelle, l’impact du malus dans les H & R coûtera environ 3,5 % de la masse salariale des entreprises les plus consommatrices de contrats courts, de par la nature de leur activité. A savoir les traiteurs organisateurs de réception et les grands hôtels.
>
Mais le malus se doublera également d’une taxe forfaitaire de 10 euros sur chaque contrat d’usage (les CDDU), l’intention du gouvernement étant là aussi de convertir les entreprises utilisatrices à d’autres types de contrats moins dispendieux d’allocations chômage… De source professionnelle, la taxation des CDDU renchérirait de 5 à 10 % leur coût unitaire.
Les réactions des organisations professionnelles ne se sont pas fait attendre. Pour l’UMIH, cette mesure apparait comme « discriminatoire », puisqu’elle fait supporter sur sept secteurs le poids de la dette de l’Unedic. La Confédération fait également valoir que « le recours au contrat court est inhérent au pic d’activité dans l’hôtellerie restauration ».
Du côté du GNI, on ne se dit pas hostile sur le principe au système du bonus-malus mais on s’inquiète malgré tout de ses graves conséquences financières. Le Groupement National des Indépendants estime néanmoins possible d’en limiter l’impact. C’est tout le sens des réunions d’information que le GNI prévoit d’organiser dès le 9 juillet (CFA Médéric). Des experts présenteront aux professionnels des solutions techniques permettant de sécuriser les CDDU et de limiter au maximum la multiplication des contrats de très courtes durées.
Les 12 mesures de la réforme destinées aux salariés
- Tous les salariés ayant au moins 5 ans d’ancienneté dans leur entreprise auront droit à l’assurance chômage quand ils démissionnent pour réaliser un projet professionnel. En application au 1er novembre 2019
- Tous les salariés seront gratuitement accompagnés pour élaborer et réaliser leur projet professionnel lorsqu’ils démissionnent. En application au 1er janvier 2020
- Les travailleurs indépendants auront désormais droit à l’assurance chômage, sans cotisation supplémentaire. En application au 1er novembre 2019
- Tous les demandeurs d’emploi ayant reçu une proposition d’emploi stable mais qui doivent préalablement mettre à niveau leurs compétences pourront bénéficier d’une formation sur-mesure correspondant à la proposition. En application à partir du 1er janvier 2020
- Tous les demandeurs d’emploi qui le souhaitent auront droit, dans les 4 premières semaines qui suivent leur inscription à Pôle emploi, à deux demi-journées d’accompagnement intensif avec Pôle emploi. En application à partir du 1er janvier 2020
- Les demandeurs d’emploi en situation de cumul ou d’alternance prolongés entre emploi et chômage (travailleurs précaires) bénéficieront d’un accompagnement dédié. En application à partir du 1er janvier 2020
- Les demandeurs d’emploi bénéficieront de nouvelles aides concrètes pour répondre à une offre d’emploi. En application au 1er janvier 2020
- Pour lutter contre la précarité et l’enchaînement des CDD ou des missions d’intérim, un système de bonus-malus pour les entreprises de plus de 11 salariés sera mis en place. En application au 1er janvier 2020
- Les entreprises bénéficieront d’une nouvelle offre de services de Pôle emploi, leur permettant de répondre plus rapidement et plus efficacement à leurs difficultés de recrutement. En application à partir du 1er janvier 2020
- Il ne sera plus possible de gagner davantage au chômage qu’en travaillant. En application au 1er avril 2020
- Il faudra davantage travailler pour ouvrir des droits à l’assurance chômage. En application au 1er novembre 2019
- Les modalités d’indemnisation du chômage tiendront désormais compte du niveau de revenu des salariés. En application au 1er novembre 2019
Bonus – Malus : ce que la réforme prévoit
7 secteurs d’activité concernés
- Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac• autres activités spécialisées, scientifiques et techniques
- Hébergement et Restauration
- Production et distribution d’eau-assainissement, gestion des déchets et dé-pollution
- Transports et entreposage
- Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques
- Travail du bois, industrie du papier et imprimer
Le bonus-malus ne concernent que les établissements de plus de 11 salariés
- Ces 7 secteurs représentent 34 % des ruptures de contrat de travail. Après évaluation, le système pourra être étendu à l’ensemble de l’économie.
Pourquoi avoir ciblé ces secteurs là
- Ces 7 secteurs ont tous un taux de séparation supérieur à 150 %. Ce taux représente le rapport entre l’effectif de l’entreprise et le nombre d’inscriptions à Pôle emploi de salariés ayant travaillé pour l’entreprise.
- Dans ces secteurs, les entreprises emploient, en moyenne, deux personnes en contrat stable pour plus de trois personnes en contrat précaire, soit par exemple plus de 3 CDD pour 2 CDI, ou plus de 150 intérimaires pour 100 CDI.
Le fonctionnement du bonus – malus
- Plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus une entreprise paiera de cotisations patronales à l’assurance chômage.
- À l’inverse, plus une entreprise fera d’efforts pour réduire le nombre de personnes qui s’inscrivent à Pôle emploi (moins de fins de CDD, de fins de mission d’intérim, de licenciements, de ruptures conventionnelle…), moins elle paiera de cotisations.
- Les cotisations varieront entre 3 et 5 % de la masse salariale, en fonction de la pratique de l’entreprise.
- les CDD d’usage se verront appliquer une taxe forfaitaire de 10 €, pour inciter les entreprises qui en abusent à proposer des contrats d’une semaine ou d’un mois plutôt que de quelques heures chaque jour.
Les employeurs de salariés intermittents (annexes VIII et X de l’assurance chômage) ne seront pas concernées par cette mesure, mais conserveront la cotisation patronale supplémentaire de 0,5 % introduite par la convention de mars 2017. •
(source : ministère du Travail)