Confronté à une chute de ses ventes de 70 % et à des pertes d'exploitation de 500 millions d'euros, le propriétaire et exploitant d'hôtels Accor envisage de supprimer près de 10 % de ses effectifs sur le continent. Son futur Plan de Sauvegarde de l'Emploi, s'il inclue formation et reclassement, prévoit aussi des licenciements secs auxquels s'opposent les syndicats FO et CGT, qui craignent une "saignée sociale" et une restructuration complète. Très tributaire de la clientèle affaires, AccorInvest ne prévoit pas de retour à l'activité pré-Covid avant 2024.
C’est la partie émergée de l’iceberg des destructions d’emploi en cours en France dans la branche Hébergement Restauration ! Après les 1 888 licenciements annoncés par le groupe Elior. Les 2 400 prévus chez Sodexo. Les 400 envisagés au sein d’Accor. C’est autour d’AccorInvest de programmer près de 780 suppressions de postes dans l’hexagone. Gilles Clavie, nouveau DG du groupe, arrivé en juillet 2020, en a fait l’annonce le 13 janvier lors d’un comité de groupe européen.
« Il en va de la survie du groupe », a-t-il justifié. Le chiffre d’affaires du propriétaire-exploitant hôtelier a chuté de 70 % par rapport à 2019, à 1,2 milliard d’euros. Et son Excédent Brut d’Exploitation est négatif de 500 millions. Les TO de ses hôtels restés ouverts ont dégringolé de 74 % à 22 % en 2020. Avec des prix moyens en baisse eux-aussi.
Le groupe, par ailleurs, a consommé 500 millions d’euros de trésorerie depuis le premier confinement. Il s’est sauvé d’une crise de liquidités en vendant fin 2020 des hôtels en Afrique et en Australie à la fin de l’année 2020.
Priorité des syndicats de salariés : éviter les licenciements secs
Le propriétaire-exploitant hôtelier supprimerait environ 710 postes dans ses 315 hôtels français (sur un total de 887), dont 309 pour les personnels d’étage et 218 pour la restauration. Et 70 dans ses deux sièges français. Le chiffrage final précis dépendra de l’aboutissement éventuel d’un accord négocié sur l’activité partielle de longue durée (APLD). « Tous les moyens à disposition de l’entreprise ont été mis en œuvre pour limiter l’impact social de la crise », assure AccorInvest.
« L’enjeu à court terme mettra en difficulté l’entreprise demain », estime Ange Romiti, responsable de l’hôtellerie au sein de la fédération CGT Commerce et Services. « C’est un choix irrationnel et illégitime dans un secteur qui a une forte capacité de rebond », ajoute Nabil Azzouz, secrétaire fédéral FGTA/FO.
Ce que redoutent et refusent les deux syndicats, ce sont les licenciements secs. « Pour nous, c’est la ligne rouge ! insiste Nabil Azzouz. AccorInvest fait , entre autres, appel au dispositif du chômage partiel, financé par l’Etat. Il a un engagement moral. Ce n’est pas pour licencier à tout va derrière ! » La FGTA-FO reconnait la réalité de la crise que traverse le secteur. Pour autant, d’autres approches sociales existent, selon la Fédération moins douloureuses pour les salariés, comme les ruptures conventionnelles collectives et les départs volontaires.
« Ils disent que cela aurait pu être pire sans les aides de l’Etat, commente également Christian Alia, délégué CGT. La crise leur permet de restructurer. Ils vont davantage externaliser des tâches et demander plus de polyvalence. »
Recapitalisation + PGE = AccorInvest en quête de près d’1 milliard d’euros
Par ailleurs, FO estime qu’Accor doit en tant qu’actionnaire à 30 % doit contribuer à la recapitalisation indispensable du groupe. Accor se targue d’ailleurs de disposer encore d’une trésorerie abondante (4 milliards d’euros). Irriguée par les milliards reçus de la cession d’AccorInvest en 2018.
Négocié âprement avec 19 banques et Bercy, le dossier recapitalisation semble effectivement avancé. La contribution d’Accor parait acquise, à la hauteur de sa part. De même que celle des autres actionnaires, dont Colony Capital et les fonds souverains d’Arabie. Selon plusieurs sources média (Les Echos, Le Monde), cette recapitalisation atteindrait 477 millions d’euros. Un montant identique à celui du futur prêt garanti par l’Etat (PGE) sollicité également par l’entreprise.
« L’entreprise est très confiante sur l’obtention du PGE et la réalisation de l’augmentation de capital dans les plus brefs délais », dit un porte-parole d’AccorInvest. Troisième levier du sauvetage d’AccorInvest, un allongement de la maturité de sa dette (4,5 milliards d’euros). Le groupe n’a fourni pour le moment aucune indication sur le futur dispositif.