La distinction Palace est-elle encore pertinente et utile ? Ne va-t-elle pas imploser à force de grossir en incorporant des établissements de plus en plus hétérogènes dans leur niveau de services, leur signature architecturale et leur histoire ?
Ces questions, le consultant spécialiste de l’hôtellerie de luxe Laurent Delporte les pose avec vigueur et arguments dans une lettre ouverte qu’il publiait fin juin, à la veille de la réouverture de l’hôtel Le Crillon qui pourrait en théorie briguer la distinction à partir de la mi 2018.
Selon cet expert international, au rythme des ouvertures et des rénovations et s’il conserve les mêmes critères, le label pourrait regrouper une trentaine de titulaires d’ici trois ans. Avec un risque toujours plus élevé de banalisation de la marque, au préjudice finalement de ceux qui la méritent vraiment.
» Cette disparité ne va plus permettre aux grands de se distinguer et je ne suis pas sûr que l’hôtel Le Ritz postule à ce label par exemple », ne craint-il pas d’affirmer. Et d’ajouter : « Je vais aller plus loin dans ma réflexion, si j’étais propriétaire du Ritz, je ne postulerais pas à ce label et rien n’empêcherait l’hôtel Le Ritz d’être reconnu comme le Palace de Paris. Comme d’autres grands hôtels, il jouit d’une telle réputation mondiale qu’il n’a pas besoin de ce label pour se distinguer. »
La distinction Palace doit donc, dit-il, consacrer « l’exceptionnel à tous les niveaux, ce qui se fait de mieux, l’exclusivité ». Et pour cela, le Palace doit réunir les meilleurs talents, à tous les étages, dans toutes les fonctions. Car « tout doit se préparer sur place, rappelle Laurent Delporte, afin de réaliser les meilleurs produits. Par exemple, pour la restauration, il faut avoir un boulanger, un pâtissier, etc. Ce n’est pas toujours le cas, et certains palaces se font livrer leur viennoiserie ou leur pain par exemple. Le luxe se cache dans les détails mais une fois sur place vous faites vite la différence. »
Or réunir tous les talents est une véritable gageure dans le cas d’une réouverture après rénovation. « Il est tout simplement difficile de recruter 500 artisans du luxe en quelques mois et de les former pour atteindre un niveau d’excellence au moment de l’ouverture, souligne monsieur Delporte. Là encore, les Palaces historiques bénéficient forcément d’un meilleur service grâce à leurs équipes qui savent bien travailler ensemble et qui connaissent tous leurs clients réguliers. »
Face à nouveaux concurrents, Les Palaces authentiques doivent pourtant éviter de déclencher une guerre commerciale pour conquérir un nombre limité de clients. Au contraire, souligne le consultant, leur intérêt serait plutôt de mettre en commun leurs énergies pour attirer une clientèle plus importante à Paris. « J’ai été très étonné par exemple, déplore-t-il, de voir si peu de Palaces présents lors du dernier salon de l’hôtellerie de luxe (#ILTM) en juin dernier à Shanghai pour se faire connaitre. Il faut que la compétition, inévitable malgré tout, se mue en émulation saine pour rendre ce secteur dynamique et plus innovant. Chaque établissement doit trouver un élément de différenciation et offrir une expérience unique à ses clients. Quel serait le plaisir du client dans l’uniformité ? »
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