Fonds de solidarité, chômage partiel, PGE... Les aides mises en place par l'Etat maintiennent toujours un filet de sécurité financier sur les entreprises d'Hébergement Restauration, dont les chûtes d'activité depuis mars 2020, de 30 à 90 % suivant les secteurs, entraînent des pertes structurelles d'exploitation. Selon les chiffres des Tribunaux de Commerce, le nombre de procédures collectives a continué de baisser entre janvier et mars 2021, avec seulement 552 liquidations judiciaires prononcées. A l'extinction des aides, le réveil sera douloureux pour les plus fragiles.
Net recul des défaillances dans tous les secteurs
mais le taux de liquidations passe de 72 % à 79 %
701 procédures ouvertes dans la branche H&R au premier trimestre 2021. C’est moitié moins (-51 %) qu’au premier trimestre 2020. La tendance concerne aussi bien la restauration traditionnelle (-54 %) que la rapide (-50 %). Baisse également très marquée pour les débits de boissons (-53 %). L’hôtellerie enregistre une baisse de 47 %.
Les 552 liquidations judiciaires prononcées dans l’Hébergement Restauration représentent 9,6 % du total des liquidations prononcées dans l’ensemble des secteurs d’activité.
Sauv. : procédures de sauvegarde
RJ : redressements judiciaires
LJ : liquidations judiciaires
Lecture : Au 1er trimestre 2021, les défaillances d’entreprises ont diminué de 51,2 % dans la branche par rapport au 1er trimestre 2020. Elles ont baissé de 51,2 % dans la Restauration et les Débits de boissons. Et de 46,7 % dans les Hébergements..
Source du tableau : Altares – retraitement HR-infos
ANALYSES
Thierry Millon, directeur des études Altares
« La stratégie de soutien à l’économie réelle déployée par l’Etat s’est avérée efficace au regard du faible niveau des défaillances d’entreprises enregistrées : moins de 29 000 procédures ouvertes sur les douze derniers mois contre plus de 52 000 en 2019.
Si indispensables qu’elles soient pour faire face à l’exceptionnelle crise, ces aides sont destinées à être allégées voire stoppées lorsque l’activité aura suffisamment redémarré pour espérer tenir sans elles. Les entreprises ne passeront alors pas ce cap sans difficulté.
La question se pose notamment pour les entreprises ayant bénéficié d’un PGE. Les premières observations communiquées par la Fédération Bancaire Française début avril révèlent que les trois quarts des bénéficiaires choisissent de rembourser le plus tard possible. La Banque de France estimait en début d’année que 4,5 à 6% des PGE auraient du mal à être remboursés. Fin mars, ces prêts ont été distribués à 664 000 entreprises pour un montant global de 135 milliards d’euros.
Les « zombies », ces structures qui survivent grâce au soutien de l’Etat et à des taux d’intérêt bas, résisteront également difficilement à l’arrêt des aides. Altares en répertorie 63 000 en France, soit 5,3% des sociétés commerciales. Ces entreprises présentent hors contexte Covid un risque de défaillances 2,3 fois supérieur aux autres sociétés commerciales. Un risque qui grimpera encore à l’extinction des aides.
En 2020, 20 000 entreprises mises sous perfusion avaient échappé à la défaillance en comparaison de la volumétrie 2019 ; seront-elles prêtes à vivre seules au cours des prochains mois ? »
Christophe Basse, président du CNAJMJ (Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires)
« La baisse des procédures collectives est à mettre en face des nombreuses aides mises en place par l’Etat pour soutenir l’économie et qui fonctionnent bien. Mais attention, les PGE ne sont que des prêts et les reports de charges sont des reports. Il est important que les entreprises anticipent le moment où il faudra rembourser. »
Le droit français plus protecteur des entreprises et de l’emploi
Le droit français protège d’avantage les entreprises et les emplois que ses voisins européens. La conclusion provient d’une étude comparative sur six pays européens menée par le CNAJMJ (Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires). Le dispositif français de prévention, de sauvegarde et de redressement des entreprises en difficulté en vigueur en France conduirait à une meilleure préservation.
Les procédures collectives permettent en France de sauver 145 000 emplois par an. Ce qui représente 68 % des emplois concernés par des procédures collectives, contre 10 % en Allemagne. Par ailleurs, à l’issue de ces procédures, 39 % des entreprises échappent à la liquidation en France, contre 8 % aux Pays-Bas, 5 % en Allemagne et 2 % au Royaume-Uni.
Le taux de recouvrement des créances en France atteint 21%, contre 22% en Allemagne et 13% au Royaume-Uni.
Enfin, le ratio du coût des procédures en pourcentage du recouvrement réalisé est largement inférieur en France (13 %) à celui du Royaume Uni (26 %) ou en Allemagne (40 %).
« Les procédures dans les autres pays sont plus liquidatives et disposent de moins d’outils pour maintenir le chef d’entreprise à la tête de la société et préserver l’emploi. Pourquoi ? Parce que nous anticipons – on intervient notamment avant la cessation de paiements. On fait aussi de la médecine préventive dans un cadre amiable et confidentiel. Un point essentiel pour les chefs d’entreprise, » détaille Christophe Basse, Président du CNAJMJ.