Questions d’HR-infos à Arnaud Fayet et François-Xavier Bourgois, président et vice-président de l’Association des Franchisés Accor (Afa)
A défaut d’avoir obtenu une médiation, avez-vous pu, depuis début juin, reprendre les discussions avec la direction France d’AccorHotels ?
« Voilà déjà depuis plusieurs années que nous alertons la direction France d’AccorHotels sur plusieurs points. Nous ne dérogeons pas à la ligne de conduite que nous nous sommes fixés depuis le départ : nous souhaitons rétablir un dialogue constructif et efficace pour retrouver un partenariat gagnant-gagnant de part et d’autre.
C’est pourquoi, depuis début juin, parallèlement à notre démarche de médiation, nous essayons toujours de maintenir le dialogue avec AccorHotels, en maintenant, par exemple, les réunions de comités marketing des différentes marques du groupe. »
Quels sont les principaux points d’achoppements ?
« Les principaux points d’achoppements sont clairs : l’augmentation du coût global de la redevance de franchise sur les dernières années ; l’ouverture de la plateforme web www.accorhotels.com aux hôteliers indépendants; le fait de voir payer des redevances sur le CA des chambres vendues par les OLTAS et non pas par AccorHotels et, enfin, le fait de ne pas savoir ce qui est inclus dans nos redevances de franchise. Ce qui était précédemment compris ne l’est plus aujourd’hui et devient une option payante. »
Avez-vous bon espoir d’arriver à un accord ?
« Bien sûr ! Nous sommes, franchiseur comme franchisés, avant tout des entrepreneurs qui avons besoin les uns des autres. Nous restons persuadés qu’aujourd’hui AccorHotels est le meilleur franchiseur en France, mais ce n’est pas pour autant que nous devons voir nos comptes d’exploitation se dégrader sans réagir. Nous souhaitons plus que jamais que les choses soient dites, même si nous devons le faire en haussant le ton, afin de pouvoir retrouver cette relation forte, ce partenariat exceptionnel qui a permis à la société Accor de devenir AccorHotels en cinquante ans.
Nous espérons que la direction du groupe se ressaisira et répondra, finalement, favorablement à la convocation de la Chambre de Médiation et d’Arbitrage de Paris dans les prochains jours pour résoudre ces différends dans les meilleures conditions possibles. »
Vous regrettez une hausse des coûts de redevance et une baisse des performances. Cette baisse finalement n’est-elle pas avant tout conjoncturelle, limitée à l’année 2015 et à une partie de 2016, et due à des événements exceptionnels qui ont impacté tous les opérateurs sur le marché ?
Quant aux hausses de coûts, ne doivent-ils pas être mis en lien avec les investissements consentis par AccorHotels en matière de communication, de distribution, de digitalisation, etc?
Au bout du compte, fondamentalement, être franchisé d’une marque Accor, est-ce que cela ne vous garantit pas un bon retour sur investissement ?
« Au-delà de la conjoncture, il faut garder à l’esprit que la situation a commencé à se dégrader avec l’arrivée de nouveaux intermédiaires : Booking, Expedia et autres OLTAS. Par la suite, le changement du modèle économique du groupe AccorHotels a également impacté nos comptes d’exploitations. Le groupe AccorHotels ne pouvant réussir à empêcher la montée en puissance des distributeurs a décidé de devenir lui-même distributeur. Les difficultés se sont accentuées dès lors. Votre question sur les hausses de coûts est tout à fait pertinente car nous sommes en tant qu’indépendants, des investisseurs avisés. Nous sommes d’accord pour payer plus, dès lors que nous avons un retour sur investissement.
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à nous interroger. « Où est notre retour sur investissement ? » Les marques hôtelières ont été délaissées à la faveur de la plateforme www.accorhotels.com ! Le 1er juin 2016, Grégoire Champetier, le directeur général du marketing du groupe a quitté ses fonctions. Il n’a toujours pas été remplacé plus d’un an après !
Concernant le retour sur investissement garanti, c’est justement parce que cela est de moins en moins vrai que nous prenons la parole aujourd’hui et que nous souhaitons renouer un dialogue constructif. »
AccorHotels a fait évoluer sa stratégie et son modèle, en particulier par son désengagement partiel du foncier et la création d’une market-place ouverte aux établissements indépendants et aux hébergements privés. Comment vos adhérents vivent-ils ces changements ?
« Nos adhérents ne vivent pas tous de la même façon ce changement. Certains ne comprennent pas et regrettent une autre époque. D’autres, au contraire, ont bien conscience qu’il faut évoluer en même temps que notre clientèle. Nous non plus ne souhaitons pas subir tous les changements amenés par les révolutions technologiques. Nous prenons actes des changements de stratégie et de modèle d’AccorHotels et nous souhaitons, si notre franchiseur devient, finalement, un prestataire, qu’il soit « challengé » comme les autres.
Nous restons des entrepreneurs indépendants même si nous représentons 70% du parc hôtelier du groupe en France (1071 établissements sur 1500 hôtels AccorHotels). Et si nos modèles économiques divergent, il faut trouver des terrains d’entente sur plusieurs points afin que tout le monde puisse y trouver son intérêt. Si AccorHotels persistait à ne pas vouloir dialoguer, ce serait un très mauvais message envoyé aux franchisés. »
A propos de l’AFA
(Ce n’est que notre avis mais on le partage !)
Le dialogue et la médiation plutôt que l’arbitrage et le procès
Cette affaire assez sérieuse montre combien les contrats entre franchiseur et franchisés mais aussi leurs relations courantes, managériales, doivent être régulièrement re interrogées, ne serait-ce qu’à titre préventif. C’est d’ailleurs quand les performances du franchisé se dégradent que les tensions apparaissent. Il est normal que ce dernier se demande alors dans quelle mesure son franchiseur n’est pas en partie responsable de ses difficultés et comment celui-ci peut y remédier, au moins en partie.
Plus fondamentalement, à mesure qu’AccorHotels se transforme en distributeur multi-produits et prestataire de services aux voyageurs et aux hébergeurs professionnels et privés, la place de ses franchisés hôteliers devient moins centrale alors qu’elle le fut pendant un demi-siècle, depuis la création même du groupe en 1967 et le lancement de sa marque Novotel la même année. De cette relative marginalisation, ses derniers éprouvent une légitime amertume.