L'Assemblée nationale a adopté le 12 octobre un amendement prévoyant l'exonération fiscale et sociale pendant deux ans des pourboires électroniques versés aux salariés en contact avec la clientèle et exerçant dans les activités de service, à l'exclusion des chauffeurs de taxis et des indépendants travaillant pour les plateformes. Les députés réservent la mesure aux salariés dont la rémunération n'excède pas 1,6 Smic, soit environ 2 011 euros net. Le texte, jugé perfectible par le Gouvernement, sera probablement modifié lors de la navette parlementaire.
Une intervention frappée du sens des réalités d’Olivier Dussopt, ministre délégué au Budget
(extraits de ses interventions du 12 octobre lors du débat public en séance à l’Assemblée nationale.
« Aujourd’hui, (…) les pourboires en numéraire ne sont pas fiscalisés, car nous sommes incapables d’en contrôler le montant. Et il n’y a aucune possibilité ni aucun intérêt à fiscaliser la remise de 2 euros, 3 euros, 4 euros, 10 euros ou même 20 euros. Tout le monde se satisfait ainsi d’une situation qui n’est pas légale. Ces pourboires devraient être fiscalisés, mais ne le sont pas et ne l’ont jamais été. Et cela fait partie des acquis de la profession.
Cet amendement fait le constat – (…) que le nombre de paiements en numéraire diminue, que nous avons de moins en moins de numéraire sur nous et qu’il existe une possibilité technique de donner un pourboire par carte bleue. Le problème de la carte bleue, si je puis dire, est qu’elle permet une traçabilité, donc l’instauration d’une fiscalité.
En réalité, l’amendement se borne à étendre au pourboire numérique le régime de tolérance dont bénéficient depuis des décennies les pourboires en numéraire. C’est important pour permettre à la
profession de recruter et pour maintenir –(…) – du pouvoir d’achat. Sortons de l’hypocrisie et étendons le régime de tolérance actuel au numérique ! »
Des débats nourris autour d’une proposition finalement largement adoptée
Une très large majorité des 80 députés présents en séance (72 pour, 3 contre) a pourtant voté cette mesure, critiquée surtout à gauche et à l’extrême droite.
À droite, Éric Woerth (LR), qui a voté pour, souhaitait malgré tout que que la mesure s’applique à tous les taxis, «car la plupart sont des artisans». Elle ne concerne pas non plus les indépendants travaillant pour des plateformes comme Uber ou Deliveroo. À l’extrême droite, le député RN Sébastien Chenu a contesté une «fausse bonne idée», qui va «faire disparaître le pourboire en espèces».
À gauche, Éric Coquerel (LFI) a accusé le gouvernement d’ouvrir une «boîte de Pandore». Avec un «message» aux employeurs: «Payez vos salariés par ce type de compléments !». La «question, c’est la faiblesse des salaires», notamment des serveurs, à ses yeux.
L’ex-LREM Émilie Cariou (non inscrite) a jugé «assez lamentable» la disposition qui fait «reposer sur la bonne volonté de chacun des Français la capacité à mieux rémunérer les salariés». Pour le député de centre droit Thierry Benoit (UDI), il ne faut pas en «faire un fromage». Il s’agit simplement d’une «facilité offerte aux clients et aux serveurs».
Compte-rendu de la séance du mardi 12 octobre 2021