L’analyse des données les plus récentes le confirme : l’hébergement touristique dans Paris intra muros reste très orienté sur l’hôtellerie haut de gamme et des prix moyens élevés. Prix que les clients ont acceptés jusqu’à maintenant. D’autant plus aisément que ce mix clients était favorable, caractérisé par une majorité de clients étrangers et un équilibre dynamique entre tourisme d’affaires et tourisme de loisirs.
Cette bonne adéquation entre l’offre et la demande a permis au marché parisien de prospérer au cours des cinq dernières années. Mais en 2014 sont apparus les premiers signes d’un essoufflement de la destination, avec un recul du nombre de nuitées (-1,4 %). Recul qui s’est amplifié en 2015 (- 2,1 %), en étant assorti d’une baisse de 3 % des taux d’occupation. Les événements dramatiques survenus à Paris en janvier et novembre sont principalement responsables de ce fléchissement de la fréquentation mais aussi des prix moyens.
A court terme, rien de très inquiétant peut-être dans ces légers replis. Les taux d’occupation et les prix moyens constatés à Paris restent en effet très supérieurs à ceux constatés ailleurs en France. Néanmoins, le seuil de profitabilité d’un hôtel parisien exigeant des ratios plus élevés, un recul continu de l’exploitation finirait par fragiliser son équilibre financier.
Il faut donc aussi se demander si cet effritement de l’activité n’est pas le signe d’une évolution-mutation en cours dans les comportements et les attentes des clients. Mutation forcée par de nouveaux acteurs perturbateurs, les hébergements collaboratifs évidemment.
Avec l’émergence et le développement accéléré de cette offre alternative, certains clients ont découvert qu’ils pouvaient séjourner à Paris à un tarif moins élevé pour un niveau de prestations comparable voire supérieure à celui d’un hôtel. Des clients qui se soucient peu par ailleurs de savoir si logement et loueur satisfont à la réglementation locale.
Le collaboratif, c’est notre analyse, s’est installé dans le paysage et sert de comparateur et d’aiguillon vers de nouveaux modes de consommation touristique. Même si les juges et le législateur, sous la pression de l’industrie hôtelière traditionnelle, finiront par encadrer voire brider ce marché émergent et sauvageon, les plate-formes locatives vont rapidement peser sur Paris plusieurs millions de nuitées par an. En attirant entre autres, occasionnellement ou régulièrement, une partie de la clientèle historique des hôtels.
Un tel challenge est évidemment une invite à l’innovation et à la refondation hôtelière. Et celles-ci sont au moins partiellement en cours (lire nos articles précédents et à venir sur des cas d’école comme Mamma Shelter, Okko et bientôt M.O.B ). Il apparait aussi que la destination Paris ne pourra plus demain reposer seulement sur une hôtellerie haut de gamme et « cher », aussi belle et hospitalière soit-elle.
L’exception parisienne (Tout pour le Luxe et le Charme chic et à peu près rien d’autre) n’est plus tenable. Les groupes hôteliers généralistes ont coutume d’expliquer qu’investir toutes les gammes permet de mieux absorber les cycles économiques. Ibis, modèle d’hôtellerie économique, demeure une « locomotive » pour AccorHotels, qui s’efforce aussi en parallèle de se renforcer vers le luxe, y compris en prenant le contrôle de plate-formes de distribution on line.
Il doit en être de même pour la destination parisienne. Omniprésente sur le haut, la capitale doit désormais s’engager sur le milieu et l’entrée de gamme qu’elle a beaucoup négligés. Des investisseurs financiers pur sucre, comme Cofitem-Cofitur avec les Saint-Christopher’s inns Canal et Gare du Nord, Patron Capital avec Generator ou encore Foncière des Régions avec le futur Meininger de 1000 lits ont perçu tout le potentiel de ROI des auberges de jeunesse new look.
Tous ces gros porteurs combinent chaque fois gros volumes (950 lits chez Generator) et animations, avec resto, cuisine (au Meininger) et souvent aussi bar à ambiance. Comme le dit sans détour Romain Viennois (cité par streetpress), le patron des Saint-Christopher’s français, « notre concept est bourrin : des burgers, de la bière, du bon rock et des filles ». En y ajoutant des prix de chambres collectives accessibles : autour de 28 euros, voire 20 euros chez Generator. Et ça marche ! Avec des TO qui dépassent les 90 %. Du coup, pour les jeunes clients des hostels, les offres Airbnb apparaitront bien chères et ringardes. Difficile dans un studio de 16 m2 du Marais de faire la fête et de « pécho dans des ambiances de ouf. »
Londres à elle seule compte pas moins de 188 hostels. Paris avec ses 11 auberges fait encore pâle figure malgré l’arrivée des quatre précités ou des « Piaules » à Belleville. L’offre low cost ou intermédiaire ciblée vers les jeunes et vers les familles est loin d’être saturée sur Paris. Les arrondissements de la deuxième couronne de Paris, en comparaison de la première, manquent d’hébergements modernes et adaptés à ces deux types de clientèles. Et le prix du foncier n’y atteint pas encore des sommets. Aux investisseurs et aux opérateurs, avec le concours de la mairie de Paris, de s’attaquer plus résolument à ce marché là.
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