Plutôt que de continuer à signaler les plats cuisinés sur place à partir de produits bruts, objectif initial mais jamais atteint du « fait maison », Olivia Grégoire, ministre en charge des PME, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, projette d'obliger à indiquer sur les cartes les plats non préparés dans les restaurants. Si ses intentions sont claires, protéger consommateurs, restaurateurs et gastronomie française, le dispositif reste à préciser... Pour cela, un débat parlementaire et des concertations avec les professionnels sont prévus, avec une entrée en vigueur d'ici 2025.
Après un label « fait maison », un label « non fait maison »…? On en est pas encore là ! Mais c’est en tout cas la logique du projet dévoilé par la ministre du Tourisme. Signaler sur les cartes des restaurants les plats non cuisinés sur place. Logique inverse de celle du label « fait maison ». Inverse aussi dans le sens où l’on passerait d’un label facultatif à une mention obligatoire…
L’annonce a fait son effet ! Le 22 octobre dans un entretien à la Tribune Dimanche, nouveau journal dominical, Olivia Grégoire déclare souhaiter que tout plat non « fait maison » soit signalé sur les cartes des 175 000 restaurants de France au plus tard en 2025. Avec un triple objectif : protéger le consommateur, défendre les restaurateurs qui proposent à leurs clients des plats réellement préparés sur place et préserver la gastronomie nationale, classée au patrimoine culturel immatériel mondial de l’Unesco en 2010
« Impossible au pays de la gastronomie de ne pas clairement informer le consommateur », déclare la ministre dans cet entretien, qui souhaite apporter « davantage de transparence, aux clients du quotidien comme aux touristes ». « C’est aussi bon pour le moral des restaurateurs qui se donnent du mal pour offrir des plats maison à leurs clients, alors que la hausse des prix des produits alimentaires et du coût de l’énergie ne les a pas épargnés », poursuit-elle.
Selon La Tribune dimanche, « quelques semaines de concertation sont encore prévues avant l’ouverture d’un débat parlementaire ». La ministre prévoit des concertations avec les organismes représentatifs du secteur pour définir les modalités du futur label.
De quoi, dans les faits, va accoucher le projet de la ministre ?
Des « mécanismes de contrôle » sont à l’étude selon Guillaume Kasbarian, député Renaissance et président de la commission des affaires économiques. « Mais nous devons d’abord être alignés sur le but recherché. Car il y aura inévitablement des mécontents », a-t-il précisé au journal.
De quoi, dans les faits, va acoucher le projet d’obligation de la ministre ? D’une souris ? D’une mention discrète et neutralisée sur la carte, en termes choisis et non stigmatisants ? « Sous forme d’un astérisque qui renvoie à une ligne en bas de la carte…» , comme le suggère déjà un responsable professionnel ? La mention « fait maison », elle, parce qu’elle est valorisante, ne se cache pas.
Se posera aussi la question de la nature des contrôles de cette future mention qui serait rendue obligatoire dans chacun des 175 000 restaurants de France…. De surcroît par des services des Fraudes déjà fort occupés et dont les effectifs ne cessent de baisser depuis 2010.
Des premières réactions positives dans la profession
Ce nouvel outil « va rassurer les clients » et « faire travailler l’agriculture française », déclarait sur France info Alain Fontaine, président de l’association française des maîtres restaurateurs (AFMR). Lui-même, qui en fut l’un des artisans et promoteurs, considère que le label « fait maison » « n’a pas marché. « C’était très confus pour les professionnels et déroutant pour les clients. Nous avons été consultés par Olivia Grégoire pour que ce « fait maison » devienne viable et lisible pour les clients. »
Même son de cloche au GHR. « Le GHR sera l’allié de la Ministre dans ses travaux, pour plus de transparence sur les cartes et menus », déclare Laurent Fréchet, président des restaurateurs au GHR. « Le « Fait maison » ne marche pas, car c’est trop compliqué et déconnecté de la cuisine d’aujourd’hui, estime monsieur Fréchet, qui codirige six restaurants à Paris et Lille. Pour le GHR, il faut profiter de cette réforme pour dépoussiérer le « Fait maison » et le démocratiser. Le GHR fait des propositions en ce sens. »
Stéphane Manigold, président du groupe Eclore, a assuré à La Tribune dimanche attendre « ce moment depuis longtemps ». Le chef étoilé Philippe Etchebest a également accueilli l’initiative avec enthousiasme.
De son côté, le président de l’Union des métiers de l’industrie et de l’hôtellerie (Umih), Thierry Marx, a salué dans Télématin une mesure qui « permettra à ceux qui font bien d’être récompensés face à ceux qui trichent »
Olivia Grégoire
« Nous y travaillons depuis plusieurs mois. Nous devions agir. Car la mention – facultative – sur les cartes du fait maison, un label créé en 2014, est compliquée et reste de ce fait peu utilisée. »
La ministre au micro de RTL : « valoriser mais pas sanctionner (sauf les filous)»
Valoriser les plats préparés sur place c’est valoriser le travail de milliers de restaurateurs qui se décarcassent chaque jour pour proposer des bons petits plats au meilleur rapport qualité-prix.
C’est aussi mieux informer le consommateur sur ce qu’il a dans son assiette. pic.twitter.com/r6ofYX9g40
— Olivia Gregoire (@oliviagregoire) October 26, 2023