Feu vert de la Cour de Cassation à la régulation des résidences secondaires sur les plateformes locatives

Les locations répétées de courte durée de résidences secondaires constituent bien un changement d’usage réglementé par une autorisation préalable. Deux arrêts rendus le 18 février par la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français donnent raison à la Ville de Paris. Anne Hidalgo va pouvoir relancer sereinement ses plaintes contre les loueurs qui s’en étaient affranchis. Tout comme les autres communes de plus de 200 000 habitants ayant instauré une réglementation similaire.

Les locations répétées de courte durée de résidences secondaires constituent bien un changement d'usage réglementé par une autorisation préalable. Deux arrêts rendus le 18 février par la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français donnent raison à la Ville de Paris. Anne Hidalgo va pouvoir relancer sereinement ses plaintes contre les loueurs qui s'en étaient affranchis. Tout comme les autres communes de plus de 200 000 habitants ayant instauré une réglementation similaire.

En 2015, le TGI de Paris, saisi par la ville, condamne à 5 000 euros d’amende la SCI Cali Apartments pour la location illégale d’un studio. Celle-ci saisit en vain la Cour d'appel, qui monte l'amende à 15 000 euros. Cali se pourvoit alors en cassation, récusant la conformité du règlement municipal l'obligeant à une compensation. En 2018, la Cour de cassation consulte la Cour de justice européenne. Celle-ci rend le 22 décembre 2020 un arrêté favorable à la mairie. L'arrêt de cassation du 18 février clôt la procédure. Photo de l'immeuble de la Cour de Cassation à Paris, île de la Cité (UlyssePixel - Adobe Stock).

Paris pavoise. Et Anne Hidalgo et son adjoint communiste au logement Ian Brossat, qui goute peu d’habitude aux traités européens, forcément «ultra libéraux », peuvent à nouveau remercier la Cour de justice de l’Union européenne.

Dans son désormais arrêt historique du 22 septembre 2020, la CJUE donnait, en effet, le feu vert aux conditions restrictives prévues par les réglementations nationales sur les locations de courte durée. Celles-ci, selon la cour de Luxembourg, ne contreviennent pas à la Directive de 2006 sur les services dans le marché intérieur. Dès lors qu’elles justifient celles-ci par une raison impérieuse d’intérêt général. Dans le cas de la ville de Paris, la lutte contre la pénurie de logements locatifs de longue durée.

Le bien-fondé de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation

Et c’est au nom de ce même arrêt européen, qui prévaut sur toutes les décisions judiciaires nationales, que la Cour de Cassation a pu le 18 février 2021 débouter les plaignants, Cali Apartments SCI et HX, qui plaidaient au nom de la liberté d’établissement. La ville de Paris était bien fondée à les attaquer pour violation de la réglementation municipale. Celle-ci repose pour l’essentiel sur l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation.

En effet, ce code prévoit que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles de trois départements limitrophes de Paris (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable. Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un tel changement d’usage.

Le code prévoit également que la commune peut subordonner (ce n’est pas obligatoire) cette autorisation, délivrée par le maire de la commune, à une compensation. Sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Compensation que la ville de Paris exige avant de donner son feu vert au changement d’usage.

Cacophonie sur le montant des amendes et l’abandon des poursuites

Rappelons toutefois que ces dispositions ne concernent pas les résidences principales, ni le bail de mobilité et  les locations de 9 mois étudiants. Les locations de court séjour dans les résidences principales font elles aussi, malgré tout, l’objet d’un encadrement. Elles ne doivent pas excéder 120 jours par an. La Ville de Paris a fait savoir qu’elle voulait baisser le curseur à 60 voire 30 jours. Mais, la loi, cette fois l’en interdit.

L’hôtel de ville va donc pouvoir relancer ses 420 dossiers en contentieux. Selon le média 20 Minutes, Paris réclamerait en moyenne 50 000 euros soit 21 millions d’euros d’amendes au total. Ian Brossat, lui cite le chiffre de 9 millions d’euros. L’élu n’a mentionné un engagement précédent. En juillet dernier, pourtant, la ville avait proposé aux contrevenants d’abandonner les poursuites. En contrepartie d’un engagement à signer des baux de longue durée. « avec un bail classique de 3 ans minimum et à un loyer situé 20% sous le prix du marché, soit 40% en dessous du plafond maximum de l’encadrement des loyers », avait précisé l’élu au JDD en 2020.

Airbnb s’aligne progressivement

De son côté, Airbnb déclare avoir « pris acte de cette décision, qui confirme un cadre réglementaire applicable depuis déjà plusieurs années. »  Décision qui ne concernerait, selon la plateforme, « qu’une minorité d’hôtes louant leur résidence secondaire en meublé touristique ». « 95% des logements entiers loués l’an dernier l’ont été moins de 120 jours », assure-t-elle.

Airbnb, qui court le risque d’être poursuivie, modifie peut à peu son règlement intérieur en France. Depuis le 1 er janvier 2021, elle bloque automatiquement dans 48 communes les annonces dépassant 120 nuits par année civile dans les résidences principales louées entièrement. Par ailleurs, elle refusera les logements n’ayant pas de numéro d’enregistrement obtenu en mairie. Cela concerne pour l’instant huit grandes villes. Dont Paris, Lyon, Bordeaux, Cannes et Nice.

Anne Hidalgo, Maire de Paris

« Cette décision est une victoire historique de la Ville de Paris, elle clôt 5 années de poursuites judiciaires. Elle nous conforte dans notre choix de règlementer ces plateformes et donne des outils juridiques efficaces à toutes les collectivités françaises qui souhaitent réguler le marché de la location touristique. »

Les trois arrêts de la Cour de Cassation 
Arrêt n°198 du 18 février 2021 (19-13.191) – Cour de cassation – Troisième chambre civile

La location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées de quatre et six mois à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile caractérise un changement d’usage.

Arrêt n°195 du 18 février 2021 (17-26.156) – Cour de cassation – Troisième chambre civile

La location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage qui est soumis à autorisation administrative préalable.

Arrêt n°199 du 18 février 2021 (19-11.462) – Cour de cassation – Troisième chambre civile

Un formulaire H2 rempli postérieurement au 1er janvier 1970 ne permet pas nécessairement d’établir l’usage d’habitation du bien à cette date.

2021-02-18_arret_C3-198_19-13.191_communiqué_Truszczynski

Ce que disait l’arrêté du 22 septembre de la Cour de justice de l’Union européenne

Dans sa conclusion, il soulignait que la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur,« doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes où la tension sur les loyers est particulièrement marquée est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. »

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