Myriam El Khomri, la ministre du Travail, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, a épinglé mardi 14 mars AccorHotels et Courtepaille comme des groupes présentant « un risque élevé de discriminations » à l’embauche, selon l’origine des candidats, et n’ayant pas mis en place un plan d’action « satisfaisant » pour y remédier, ce qu’ils ont immédiatement réfuté, selon l’AFP. La situation du groupe hôtelier et de l’entreprise de restauration « est particulièrement préoccupante », a souligné mardi la ministre, lors d’une conférence sur les discriminations, selon son discours communiqué à la presse.
Son annonce est basée sur un « testing » sur les discriminations à l’embauche lancé en 2016, à l’initiative du gouvernement, auprès de 40 entreprises de plus de 1000 salariés. Les résultats, publiés en décembre, avaient révélé que 12 d’entre elles étaient rendues coupables de discriminations envers les candidatures « maghrébines ». Leurs noms n’avaient pas été révélés, pour donner la possibilité de mettre en place un plan d’action, qui a été vérifié par l’agence d’audit Vigéo Eiris.
Or les groupes AccorHotels et Courtepaille « ne sont pas parvenus, malgré de multiples relances, à produire un plan d’action satisfaisant pour remédier à leur situation », selon la ministre. Et « le testing a clairement conclu à un risque élevé de discriminations ». Vigéo Eiris a précisé de son côté que ces deux entreprises n’ont pas pris d’initiatives suffisantes en termes d’engagements (communication en interne, accord d’entreprise, implication des syndicats …) et d’initiatives dans le processus de recrutement (formations, groupes de travail, partenariats avec des associations spécialisées). Leur « cas » sera transmis au Défenseur des Droits, Jacques Toubon, qui a « salué » la « démarche globale » du gouvernement.
Interrogés par l’AFP, les deux groupes ont réfuté, selon l’AFP, les conclusions de la ministre. AccorHotels a souligné que « 122 nationalités différentes » étaient représentées dans ses « 1.635 hôtels en France ». Le groupe reconnait toutefois que « les résultats de ce testing, qui a porté sur 38 hôtels en France, sont clairement insuffisants » et « ne reflètent pas » son engagement « en matière de diversité et d’inclusion ».
Le groupe a indiqué dans un communiqué « avoir réagi en lançant dès janvier 2017 un plan d’actions complet », comprenant notamment une nouvelle campagne de sensibilisation, des outils à destination des directeurs de ses 1635 hôtels en France et un plan d’auto-testing courant 2017. Plans d’action « partagé » avec le Ministère et « enrichi » de ses suggestions.
Et AccorHotels de poursuivre : « l’objectif est d’éliminer les différences de traitement des candidatures observées au cours de ce testing. Nous restons déterminés à poursuivre notre plan d’actions, en lien avec nos Instances Représentatives du Personnel, le Ministère et les autres acteurs référents dans ce domaine. »
AccorHotels n’a donc pas nié l’existence de problèmes. Contrairement à Courtepaille qui, selon l’AFP, se déclare « surpris d’être cité de cette manière dans ce rapport car ils ont été présentés en novembre comme +bon élève+ pour le très bon travail de recrutements et de non-discrimination, notamment au sein du siège ». Le groupe dit aussi avoir présenté un plan d’action.
Les dix autres entreprises épinglées en décembre, dont les noms restent tus, ont produit un plan d’action « satisfaisants », selon Myriam El Khomri. Mais pour Vigéo, elles ont encore « une marge de progrès » à réaliser. « Nous sommes sur un sujet beaucoup plus important et plus profond en France que ces deux entreprises », a souligné Inès Dauvergne, responsable diversité pour l’association Entreprises de la cité, lors d’une rencontre avec la presse mardi sur le sujet.
Cela ne veut pas dire que ces entreprises sont racistes », a-t-elle tenu à relativiser, expliquant que « certaines populations » (jeunes de quartiers, Maghrébins, Noirs) souffraient de « stéréotypes négatifs » selon lesquels ils « maîtriseraient moins bien les codes de l’entreprise ». Du coup, « de manière très inconsciente, un recruteur, sans être raciste, va privilégier entre deux CV celui sur lequel il a moins de stéréotypes négatifs ».
Entre avril et juillet, le cabinet ISM Corum a testé 40 entreprises de plus de 1.000 salariés. Pour chacune, elle a répondu à entre 30 et 40 offres d’emploi, en envoyant deux candidatures « rigoureusement équivalentes » (sexe, âge, lieu de résidence, nationalité française, expérience, formation), avec pour seule différence un nom à consonance « hexagonale » ou « maghrébine ». Pour les 12 entreprises épinglées, le taux de réponses positives des « maghrébins » a été inférieur de 15 à 35 points à celui des « hexagonaux ». Ces résultats ne peuvent pas être extrapolés, l’échantillon n’étant pas représentatif.
Tablant sur la poursuite de ces testings, qui pourraient porter sur une centaine d’entreprises, le ministère du Travail et le Défenseur des Droits vont conclure une convention en ce sens « d’ici avril ». Un « pacte pour l’égalité de traitement des candidats à l’accès à l’emploi quelles que soient leurs origines », a été signé mardi par une vingtaine d’entreprises (Michelin, Ikea, Orange, Go Sport, Carrefour, Axa, BNP Paribas…)
D’après Le Figaro, AFP, ministère du Travail, et communiqué AccorHotels »