Quelles mesures pour restaurer la confiance des clients ?

Protection de l’appellation restaurant ou création d’un statut d’artisan restaurateur ? Le projet de loi sur la consommation examiné par le parlement devrait comporter un dispositif renforçant l’information des consommateurs sur les plats servis dans la restauration. »

Protection de l'appellation restaurant ou création d'un statut d'artisan restaurateur ? Le projet de loi sur la consommation examiné par le parlement devrait comporter un dispositif renforçant l'information des consommateurs sur les plats servis dans la restauration."

« Comment est votre blanquette ? » demande l’impayable espion français OSS 117 (alias Jean Dujardin), à son chef de service, dans le bistrot parisien où ils ont leur habitude. Et celui-ci de lui répondre : »La blanquette est bonne ! ». C’est l’une des répliques cultes du film « OSS 117, Le Caire nid d’espions ». Peu de raison en 1955 de douter de la qualité et de l’origine de la blanquette de veau. Depuis, l’industrie agro-alimentaire a appris à fabriquer cette recette emblématique de la « tradition française », ainsi que beaucoup d’autres. Pas certain que le bistrot cher à ce « cher Hubert » continue de préparer lui-même sa blanquette ou son hareng pommes à l’huile…

{{Ecouter notre analyse et les quatre points de vue défendus}}

Protection de l’appellation restaurant ou création d’un statut d’artisan restaurateur ? Le projet de loi sur la consommation examiné par le parlement devrait comporter un dispositif renforçant l’information des consommateurs sur les plats servis dans la restauration.
Avant la remise des conclusions du comité de filière Restauration et la décision du gouvernement, ces deux propositions sont en concurrence, la première portée par le Synhorcat et un groupe de députés, la seconde par l’Umih, soutenue par cinq autres organisations professionnelles.

Pour le Synhorcat, serait reconnu comme restaurant un lieu où l’on sert à la clientèle des plats cuisinés sur place à base de produits bruts dans des conditionnements non jetables. Des exceptions étant admises à ces produits bruts, comme le pain, la charcuterie ou la pâtisserie, à condition qu’elles soient achetées auprès d’artisans ou de PME indépendantes
L’Umih, pour sa part, rejette tout verrouillage de l’appellation restaurant. Selon la confédération, une telle protection serait juridiquement impossible et surtout discriminante et économiquement néfaste. L’Union milite pour la reconnaissance d’une restauration de caractère artisanale incarnée par des artisans restaurateurs dont l’Etat créerait le statut officiel sur la base du référentiel de maître restaurateur.

L’analyse d’HR-infos et les arguments exposés par Didier Chenet (Synhorcat), Roland Heguy (Umih), Pascale Got (PS) et Daniel Fasquelle (UMP).
ACTUALISATION : la ministre Sylvia Pinel n’a finalement pas retenu ces deux propositions. Elle prévoit d’instaurer un dispositif signalisant sur les cartes les produits « Faits Maison ».

Des Français pas si confiants, pas dupes et demandeurs de plus de transparence

Sondage Opinion Way commandé par l’Umih, réalisé les 3 et 4 avril 2013 sur un échantillon de 1013 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et
plus

-* 62 % se déclarent confiants dans la qualité des plats servis au restaurants, 5 % seulement tout à fait
-** 38 % n’ont pas confiance dans cette qualité
-* 39 % ne font pas confiance aux restaurateurs pour cuisiner eux-mêmes les plats qu’ils servent
-** 62 % leur accordent cette confiance
-* 81 % des interrogés disent savoir que des restaurants utilisent essentiellement des plats industriels
-*Pour 82 %, l’utilisation de produits industriels est incompatible avec ce qu’ils attendent d’un restaurant
-* 96 % sont favorables à la création d’un statut garantissant des plats cuisinés sur place

Des restaurateurs utilisateurs mais prêts à les abandonner !

Etude d’impact commandé par le Synhorcat réalisée du 22 au 26 avril par l’Institut I+C à partir de 1001 entretiens téléphoniques
-* 31% des restaurateurs interrogés déclarent utiliser des produits industriels dans leur cuisine
-** le taux monte à 67 % pour les restaurants de chaînes ou en franchises
-*67% des utilisateurs de produits industriels seraient prêts à les abandonner au profit de produits bruts cuisinés sur place
-** 10 % des utilisateurs, chaînes et franchises, se refuseraient à les remplacer par des produits bruts


Ce n’est que notre analyse (mais on la partage !)

L’heure venue d’une vraie clarification, visible et valorisante

Les sondages se suivent et se ressemblent au moins sur ce point précis : les Français attachent de la valeur à leur restaurant et leur demandent de donner de la valeur à ce qu’ils mangent.
Les Français vont plus loin, en exigeant d’un restaurant qu’il crée lui-même cette valeur, qu’il l’ajoute, au sens économique et fiscal de valeur ajoutée. Selon eux, cette valeur que l’établissement doit ajouter repose sur le service et sur la fabrication sur place.
Pas question donc pour les Français, que l’industrie fournisse au restaurant sa valeur culinaire. Alors qu’ils acceptent fort bien cette externalisation pour leur consommation rapide à l’extérieur et à leur domicile. Il suffit de jeter un oeil sur le contenu de leur frigo (de nos frigos…) pour s’en convaincre.
Or qui d’autre qu’un(e) cuisinier(e) qualifié(e) pourrait apporter cette valeur ajoutée culinaire que les Français semblent exiger de leur restaurant ?
Comme le restaurant, dans l’opinion des Français et dans la réalité des faits, n’est plus nécessairement ce lieu où des cuisiniers transforment sur place des produits bruts. Comme par ailleurs l’image des restaurants est singulièrement brouillée aux yeux des consommateurs, il était légitime que les pouvoirs publics et les organisations du secteur recherchent les moyens de clarifier l’offre et par là l’information.
Les deux projets en concurrence, la création du statut d’artisan restaurateur ou la protection de l’appellation restaurateur, sont novateurs, différents dans leur approche mais complémentaires, de prime abord.
Comment en effet, dans ces deux cas de figure, imaginer un artisan restaurateur sans le support d’un restaurant pour exercer son statut qui l’oblige à cuisiner sur place des produits bruts. ? Comment concevoir un restaurant sans artisan restaurateur à sa tête cuisinant sur place des produits bruts. Tel est le cas de la boulangerie (sédentaire ou mobile) et de l’artisan boulangerie, deux appellations protégées et intimement liées.
La comparaison, toutefois, n’est pas généralisable. Restauration et boulangerie ont des offres et des fonctionnements très différents. La boulangerie est l’appellation de référence pour désigner le lieu où l’on vend du pain fabriqué sur place. Tel n’est pas le cas en restauration où l’appellation restaurant voisine avec celles de bistrots, cafés, brasseries, tavernes, cafétérias, etc. Le terme de restaurant restant encore toutefois le plus souvent utilisé.
L’intrication entre plats industriels et plats maison est si étroite dans la restauration française qu’une protection de l’appellation restaurant conduirait à débaptiser des milliers d’établissements et à en fragiliser certains, dans l’incapacité financière ou technique de se reconvertir très vite dans le produit brut cuisiné sur place. Par ailleurs, réglementer l’appellation restaurant sans réglementer celles de bistrot, brasserie, etc. limiterait la portée et créerait des effets pervers, en attirant vers elles des dépossédés du label restaurant.
Aussi séduisante, si l’on considère l’heureux précédent de la boulangerie, soit cette proposition de protéger l’appellation restaurant, elle justifierait néanmoins une vérification juridique (peut-on la protéger ?) et surtout, une étude économique lourde, un sondage téléphonique déclaratif ne pouvant tenir lieu d’étude d’impact. Difficile en effet d’anticiper tous les effets (désirables et non désirables) d’un tel bouleversement sur l’activité des établissements et sur l’emploi.
D’où la levée de boucliers syndicaux qui a suivi la proposition du Synhorcat. Proposition qui, pourtant, colle bien avec les attentes perçues des clients, désireux que les restaurants se consacrent au cuisiné sur place et favorables à la création d’un statut qui en soit le garant.
Du fait même de son isolement dans le camp patronal, la proposition du Synhorcat risque de ne pas voir le jour, en tout cas à court terme. Et la ministre Sylvia Pinel risquerait-elle de la reprendre à son compte contre l’avis quasi général des organisations professionnelles ?
Reste donc la proposition de l’Umih, moins ambitieuse mais plus pragmatique. Car elle s’appuie sur le statut déjà existant de maître restaurateur et sur le volontariat. Rien n’interdirait, dans cette approche, à un artisan restaurateur d’exercer où il le veut, dans une brasserie ou un bistrot tout autant que dans un restaurant. Déconnecter les deux critères offrirait donc une certaine souplesse. L’essentiel, finalement, c’est que le consommateur le sache, qu’il sache dès son entrée dans l’établissement (ou avant ) qu’il consommera des plats préparés sur place par un professionnel qualifié.
Faire reconnaitre par les pouvoirs publics et révéler aux consommateurs l’existence d’artisans restaurateurs, qui préparent des produits bruts dans la cuisine de leur restaurant, pourrait effectivement conduire à clarifier l’information. Mais à deux conditions impératives, que le label de maître restaurateur a bien du mal à remplir : celles de construire leur réputation et plus encore leur notoriété. Ce n’est pas la plaque de bronze tristounette apposée à l’entrée de leur maison qui y contribue.
En attendant ces changements réglementaires, les restaurateurs qui pratiquent depuis toujours et exclusivement le cuisiné sur place garderont l’initiative de le faire savoir à leurs clients, s’ils ne le savent pas déjà. A ces cuisiniers restaurateurs de l’indiquer clairement sur la carte et de mentionner l’origine des produits et le nom de leurs fournisseurs. La vérité ment rarement.
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Montage sonore : Solenne Le Hen
Edito : Jean-François Vuillerme

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Le projet de panonceau proposé par l’Umih

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