Loi Agriculture et Alimentation : cinq dispositions visent la Restauration

Beaucoup de bruits pour peu ? Issues en grande partie des propositions des Etats Généraux de l’Alimentation tenus de juillet à décembre 2017, les principales mesures du projet de loi Agriculture et Alimentation visent d’abord à rééquilibrer les relations commerciales entre le secteur agricole et les réseaux de distribution.

C’est le sens, par exemple, de l’inversion du processus de construction du prix payé aux agriculteurs, fondé désormais sur leurs propres coûts de production. Le sens aussi du relèvement de 10% du seuil de revente à perte. Le sens également de l’incitation au regroupement des producteurs.
Ce premier pan du projet de loi, a fait l’objet d’un relatif consensus. Et la mouture finale du texte est assez proche des dispositions initiales.

Il en va différemment du deuxième volet du projet, portant sur la qualité de l’alimentation et du bien-être animal. Nombre d’organisations de la société civile ont mal vécu le renoncement du gouvernement à l’interdiction législative du glyphosate et à l’interdiction d’ici 2022 de la vente d’oeufs de poule élevés en batterie, son renoncement également à la vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs.

Le bruit médiatique a occulté une série d’autres mesures majeures. Parmi elles, quatre d’entre elles concernent la restauration collective dont le législateur souligne l’importance quantitative (1 repas sur 7, 68 % des repas de la restauration hors domicile) et qualitative : son rôle éminent dans la réduction des inégalités en donnant accès à une offre alimentaire de bonne qualité nutritionnelle.

En premier lieu, la restauration collective publique devra s’approvisionner avec au moins 50% de produits issus de l’agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité, ceci à compter du premier janvier 2022 (article 11). Les produits bio devront représenter au moins 20 % de la valeur totale de l’appro et 50 % de la valeur des produits « bio, locaux ou sous signes de qualité ». Le surcoût moyen du repas produit pourrait s’élever à près de 20 %. Dans une étude datant de 2017 l’agence Bio faisant état d’un surcoût de 18 % dans les cantines les ayant introduits.

D’autre part, les gestionnaires des services de restauration collective devront effectuer un diagnostic du gaspillage alimentaire (article 15). L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie remettra au Parlement un rapport avant le 1er janvier 2022 sur la gestion du gaspillage alimentaire par les cantines et la grande distribution.

Par ailleurs, le don alimentaire, qui est imposé depuis 2016 au secteur de la distribution alimentaire, sera également imposé à la restauration collective après une période d’expérimentation d’une durée de six mois (article 15). Celle-ci ne pourra donc plus détruire ces invendus alimentaires.

Enfin, l’utilisation d’eau d’eau plate en bouteilles plastique sera interdite d’ici le 1er janvier 2020 en restauration scolaire, sauf sur le territoire de communes non desservies par l’eau potable, dont la liste est fixée par arrêté du représentant de l’Etat dans le département (article 11 ter). Pour les députés porteurs de cet amendement, l’enjeu est à la fois sanitaire (présence possible de perturbateurs endocriniens et risque de contamination alimentaire) et environnementale (réduction des déchets).

A noter également que la loi a prévu d’autoriser les collectivités territoriales qui le demandent à interdire les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans leurs services de restauration collective organisés en liaison froide ou en liaison chaude.

Cette décision prendra effet dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi. Et ce, à titre expérimental, pour une durée de trois ans (article 11 ter). Les députés ont finalement reculé par rapport à leur projet initial d’interdire purement et simplement les contenants en plastique à usage unique. Ils semblent s’être rangés aux arguments des industriels plasturgistes qui estiment la mesure trèscoûteuse pour les collectivités et sans impact sanitaire.

L’Assemblée n’a pas non plus retenu un amendement prévoyant d’instaurer un minimum de menus végétariens dans les cantines

Coté restauration commerciale, une seule mesure en tout et pour tout, issue d’un amendement LREM et LR voté le dimanche 27 mai. Il rend obligatoire à partir du 1er juillet 2021 la mise à disposition de contenants permettant aux clients de restaurants de repartir avec les restes de leurs repas (appelé « doggy-bag » en anglais). Une mesure qui exclue les offres à volonté et les bouteilles consignées.

Mathieu Orphelin, député LREM du Maine-et-Loire et cosignataire de la mesure, a salué une « avancée » qui va « faire date », « un outil intéressant pour lutter contre le gaspillage alimentaire ».

Mais les députés opposés au texte ont, eux, mis en avant les difficultés que cette nouvelle obligation va poser aux restaurateurs : « Ca entraîne des contraintes et un coût », a estimé Vincent Descoeurs, député LR du Cantal. Les contenants ne coûtent que « quelques centimes », a répondu Bérangère Abba, députée LREM. Mais son collègue de l’opposition s’est également inquiété du matériau des contenants et de leurs conséquences sur l’environnement.

Du côté des organisations professionnelles de la Restauration, l’Umih, premier syndicat de la branche, regrette que l’on transforme « l’engagement volontaire des professionnels en une nouvelle contrainte réglementaire venant s’ajouter à une liste déjà longue qui pèse sur la profession au quotidien (+ de 50 réglementations nouvelles par an). »

«L’essentiel des pertes alimentaires dans nos restaurants est généré dans les phases d’approvisionnement et de transformation des produits. Avant de réglementer, il s’agit de sensibiliser et informer. C’est tout le sens du travail mené par l’Umih auprès de ses professionnels, » regrettent Hubert Jan, président de la branche Restauration de l’UMIH et Karim Khan, président de la commission Développement durable de l’UMIH.

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Beaucoup de bruits pour peu ? Issues en grande partie des propositions des Etats Généraux de l'Alimentation tenus de juillet à décembre 2017, les principales mesures du projet de loi Agriculture et Alimentation visent d'abord à rééquilibrer les relations commerciales entre le secteur agricole et les réseaux de distribution.

C'est le sens, par exemple, de l'inversion du processus de construction du prix payé aux agriculteurs, fondé désormais sur leurs propres coûts de production. Le sens aussi du relèvement de 10% du seuil de revente à perte. Le sens également de l'incitation au regroupement des producteurs. Ce premier pan du projet de loi, a fait l'objet d'un relatif consensus. Et la mouture finale du texte est assez proche des dispositions initiales.

Il en va différemment du deuxième volet du projet, portant sur la qualité de l'alimentation et du bien-être animal. Nombre d'organisations de la société civile ont mal vécu le renoncement du gouvernement à l'interdiction législative du glyphosate et à l'interdiction d'ici 2022 de la vente d'oeufs de poule élevés en batterie, son renoncement également à la vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs.

Le bruit médiatique a occulté une série d'autres mesures majeures. Parmi elles, quatre d'entre elles concernent la restauration collective dont le législateur souligne l'importance quantitative (1 repas sur 7, 68 % des repas de la restauration hors domicile) et qualitative : son rôle éminent dans la réduction des inégalités en donnant accès à une offre alimentaire de bonne qualité nutritionnelle.

En premier lieu, la restauration collective publique devra s’approvisionner avec au moins 50% de produits issus de l’agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité, ceci à compter du premier janvier 2022 (article 11). Les produits bio devront représenter au moins 20 % de la valeur totale de l'appro et 50 % de la valeur des produits "bio, locaux ou sous signes de qualité". Le surcoût moyen du repas produit pourrait s'élever à près de 20 %. Dans une étude datant de 2017 l'agence Bio faisant état d'un surcoût de 18 % dans les cantines les ayant introduits.

D'autre part, les gestionnaires des services de restauration collective devront effectuer un diagnostic du gaspillage alimentaire (article 15). L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie remettra au Parlement un rapport avant le 1er janvier 2022 sur la gestion du gaspillage alimentaire par les cantines et la grande distribution.

Par ailleurs, le don alimentaire, qui est imposé depuis 2016 au secteur de la distribution alimentaire, sera également imposé à la restauration collective après une période d'expérimentation d'une durée de six mois (article 15). Celle-ci ne pourra donc plus détruire ces invendus alimentaires.

Enfin, l'utilisation d'eau d'eau plate en bouteilles plastique sera interdite d'ici le 1er janvier 2020 en restauration scolaire, sauf sur le territoire de communes non desservies par l'eau potable, dont la liste est fixée par arrêté du représentant de l'Etat dans le département (article 11 ter). Pour les députés porteurs de cet amendement, l'enjeu est à la fois sanitaire (présence possible de perturbateurs endocriniens et risque de contamination alimentaire) et environnementale (réduction des déchets).

A noter également que la loi a prévu d'autoriser les collectivités territoriales qui le demandent à interdire les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans leurs services de restauration collective organisés en liaison froide ou en liaison chaude.

Cette décision prendra effet dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi. Et ce, à titre expérimental, pour une durée de trois ans (article 11 ter). Les députés ont finalement reculé par rapport à leur projet initial d'interdire purement et simplement les contenants en plastique à usage unique. Ils semblent s'être rangés aux arguments des industriels plasturgistes qui estiment la mesure trèscoûteuse pour les collectivités et sans impact sanitaire.

L'Assemblée n'a pas non plus retenu un amendement prévoyant d'instaurer un minimum de menus végétariens dans les cantines

Coté restauration commerciale, une seule mesure en tout et pour tout, issue d'un amendement LREM et LR voté le dimanche 27 mai. Il rend obligatoire à partir du 1er juillet 2021 la mise à disposition de contenants permettant aux clients de restaurants de repartir avec les restes de leurs repas (appelé « doggy-bag » en anglais). Une mesure qui exclue les offres à volonté et les bouteilles consignées.

Mathieu Orphelin, député LREM du Maine-et-Loire et cosignataire de la mesure, a salué une « avancée » qui va « faire date », « un outil intéressant pour lutter contre le gaspillage alimentaire ».

Mais les députés opposés au texte ont, eux, mis en avant les difficultés que cette nouvelle obligation va poser aux restaurateurs : « Ca entraîne des contraintes et un coût », a estimé Vincent Descoeurs, député LR du Cantal. Les contenants ne coûtent que « quelques centimes », a répondu Bérangère Abba, députée LREM. Mais son collègue de l'opposition s'est également inquiété du matériau des contenants et de leurs conséquences sur l'environnement.

Du côté des organisations professionnelles de la Restauration, l'Umih, premier syndicat de la branche, regrette que l'on transforme "l’engagement volontaire des professionnels en une nouvelle contrainte réglementaire venant s’ajouter à une liste déjà longue qui pèse sur la profession au quotidien (+ de 50 réglementations nouvelles par an)."

«L’essentiel des pertes alimentaires dans nos restaurants est généré dans les phases d’approvisionnement et de transformation des produits. Avant de réglementer, il s’agit de sensibiliser et informer. C’est tout le sens du travail mené par l’Umih auprès de ses professionnels, » regrettent Hubert Jan, président de la branche Restauration de l’UMIH et Karim Khan, président de la commission Développement durable de l’UMIH. "
Le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Stéphane Travert, à la tribune de l'Assemblée nationale, pour présenter le texte le 22 mai 2018. Photo : Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr
Les principaux points de la loi agriculture et alimentation

Voici les principales mesures du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable », examiné en première lecture à l’Assemblée nationale à partir de mardi.

Relations commerciales

  • Inversion du processus de construction du prix payé aux agriculteurs. Désormais, la proposition de contrat écrit devra émaner du producteur. Les coûts de production des producteurs deviendront la base de la construction du prix
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  • Incitation au regroupement des producteurs
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  •  Possibilité de prononcer des sanctions administratives lorsque les producteurs ou les acheteurs commettent des manquements à leurs obligations contractuelles respectives
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  • Renforcement de la place et du rôle du médiateur dans l’équilibre des relations contractuelles. Il pourra rendre public ses conclusions recommandations
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  • La publication des sanctions pour pratiques commerciales déloyales sera rendue obligatoire, selon la pratique du « name and shame » (nommer et faire honte)
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  • Pour mettre fin à la « guerre des prix », le gouvernement sera habilité à légiférer par ordonnance sur le relèvement de 10% du seuil de revente à perte. Les supermarchés seront obligés de revendre un produit alimentaire au minimum au prix où ils l’ont acheté, majoré de 10%
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  • Fin des promotions excessives
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  •  Les groupes agro-alimentaires qui ne publient pas leurs comptes annuels seront davantage sanctionnés. La grande distribution sera concernée par le renforcement des sanctions.

Qualité de l’alimentation et bien-être animal

  • Les repas dans la restauration collective publique devront comprendre, au plus tard en 2022, au moins 50% de produits issus de l’agriculture biologique ou tenant compte de la préservation de l’environnement
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  •  Les associations de protection des animaux régulièrement déclarées auront la possibilité de se constituer partie civile à un procès
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  • Création d’un nouveau délit visant à réprimer les mauvais traitements envers les animaux commis dans les transports et les abattoirs
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  • Sanctions accrues en cas de mauvais traitements sur les animaux, en les portant à un an
    d’emprisonnement et à 15.000 euros d’amende, soit un doublement par rapport au droit existant
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  • Statut de lanceur d’alerte pour le responsable protection animale dans les abattoirs et sensibilisation au bien être animal dans la formation des agriculteurs
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  • Habilitation pour le gouvernement à prendre, par ordonnances, des dispositions pour lutter contre le gaspillage alimentaire, notamment en restauration collective
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  • Extension à la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire du don alimentaire
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  •  Interdiction de certaines « pratiques commerciales trompeuses » pour le consommateur, associant des termes comme « steak » ou « saucisse », à des produits qui ne sont pas uniquement composés de viande
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  •  Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances des mesures pour réduire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques
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  •  Interdiction des remises, rabais et ristournes dans les contrats de vente de produits phytopharmaceutiques sous peine d’amendes administratives
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  • Extension du champ de l’interdiction des néonicotinoïdes aux substances chimiques qui ont des modes d’action identiques
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  • Renforcement des contrôles sanitaires relatifs aux denrées alimentaires
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  • Les producteurs de miel doivent indiquer l’ensemble des pays d’origine d’un produit issu d’un mélange de miels.
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  • Interdiction en restauration collective des bouteilles en plastique contenant de l’eau potable compter du 1er janvier 2020
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  • autorisation donnée aux collectivités publiques d’interdire les barquettes plastiques
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  • Obligation progressive des « doggy bag » dans les restaurants à partir du 1er juillet 2021
Le texte de loi adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 30 mai 2018, avant son passage au Sénat
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