Les chaînes hôtelières intégrées face à un défi de rationalisation

La chambre d’un Ibis, la marque d’hôtel de chaîne intégrée numéro 1 en France. Ibis qui se renforce en absorbant les marques Etap Hotel et All Seasons, et qui sera désormais décliné en trois familles : Ibis Style, Ibis Budget et Ibis.

Début 2012, 59 enseignes de chaînes intégrées se partageaient en France 3 016 hôtels (22 de plus en 1 an, soit 0,7 % de progression) et 246 506 chambres (3 937 supplémentaires, soit + 1,6 %), selon la dernière étude annuelle de Coach Omnium. La taille du parc stagne pour la sixième année consécutive, faute surtout d’investissements suffisants dans des créations d’établissements.
Compte tenu à la fois de la maturité et de la fragilité du marché français, ce parc pourrait être le théâtre de forts mouvements et de changements de main dans les deux prochaines années, estime le cabinet spécialisé indépendant.
La concurrence est déjà très forte à la fois entre chaînes intégrées et entre intégrées et volontaires. En raison de leur taille et de leur rentabilité insuffisantes, certaines enseignes pourraient ainsi être cédées ou absorbées. L’analyse de Mark Watkins, président de Coach Omnium.

La croissance du parc des hôtels de chaînes intégrées depuis 2006 s’est limitée à 1,27 %

Les enseignes au développement le plus dynamique en 2011

Sur les 59 chaînes recensées en France, seules 10 comptent plus de 100 hôtels


A noter que les deux majors, Accor et Louvre Hotels, par le cumul de leurs enseignes, contrôlent les trois quarts du parc d’hôtels et de chambres.

Questions à Mark Watkins

Vous recensez en 2011 22 hôtels supplémentaires seulement dans le parc des chaînes intégrées. D’où proviennent-ils et comment sont-ils gérés ?
-*«Il s’agit d’un solde dans le développement des chaînes qui correspond à la différence entre 77 nouveaux affiliés contre 55 départs. Avec les réorganisations de marques, ce sont des transferts inter-chaînes dans les trois quarts des cas : on quitte une chaîne pour en rejoindre une autre. Les meilleurs développeurs ont été All Seasons avec un solde de 17 hôtels additionnels, suivi de B & B Hotels (10), Première Classe (10), Kyriad (9) et Etap Hotel (8). Il s’agit essentiellement de franchises et de contrats de gestion. »
Certaines enseignes continuent néanmoins de se développer, comme All Seasons , bientôt renommé Ibis Style, B & B, Etap, Kyriad, Etap Hotel. Comment l’expliquez-vous ?

-*«Cela vient tout simplement d’une suractivité dans le recrutement ! Ces marques sont dans les gammes économiques et ont presque toutes des concepts standardisés par le service, mais pas ou peu par le produit. Il leur est donc plus facile de trouver des franchisés ou des investisseurs indépendants que des réseaux avec une offre très normalisée.»
Les chaînes hôtelières intégrées ont selon vous un impératif de développement de parc. Le parc français étant à peu près saturé, est-ce qu’il faut s’attendre désormais à des consolidations entre enseignes, certaines étant appelées à disparaître ?
-*Les petits réseaux ont du souci à se faire. Dans notre recensement des 59 chaînes françaises et étrangères présentes en France, une trentaine de réseaux ont moins de 100 hôtels dans le monde et une vingtaine ont même moins de 25 unités. Le seuil de rentabilité pour exister se situe au-dessus de 120 à 150 unités. Plus largement, les groupes hôteliers majeurs étant entre les mains de fonds d’investissement, leur logique financière et leur modèle économique les poussent à revendre à court ou moyen terme. Les changements de mains sont donc plus que probables « ? dont certainement le démantèlement du groupe Accor « ? et les disparitions dues à des absorptions sont sûres. En 20 ans, une trentaines d’enseignes ont quitté le paysage hôtelier français.
Une spécificité de l’hôtellerie française, c’est ce fort pourcentage de chaînes intégrées mais aussi peut-être un nombre important d’enseignes. Si l’on raisonne en terme de gamme et non plus d’étoiles, comme vous le faites, est-ce que cela a encore un sens économique, pour des groupes industriels, de surcroît contrôlés par des investisseurs financiers, d’offrir autant de modèles ?
-*«Il y a effectivement trop d’enseignes de chaînes hôtelières présentes sur le marché d’Europe occidentale et plus particulièrement en France. D’une part, une marque ne peut exister que si elle bénéficie d’une notoriété suffisante. Or, à peine 14 enseignes (chaînes intégrées) présentes en France sur 59 disposent d’un score de notoriété globale auprès de la clientèle hôtelière de plus de 30 % ; seules 5 ont une notoriété spontanée de plus de 20 %. C’est peu. D’autre part, une marque coûte de plus en plus cher à exploiter et à faire fonctionner.»
-*«L’élargissement et la démultiplication des offres avec des marques plurielles, des produits, voire des labels adaptés à des cibles de clientèles sont dépassés. Cela correspond à l’époque d’avant Internet. Internet redistribue la notoriété et l’accès aux marques différemment. La reconcentration est de mise et la diminution des portefeuilles de marques dans les groupes hôteliers va s’opérer, car il y a à la clef des économies significatives à en attendre et un message plus facile à capter pour la clientèle. Avec trop de marques, le public s’y perd et leur impact commercial en est donc furieusement diminué.»
-*«Proche de nous, le groupe Accor est l’exemple type du groupe qui a vécu une inflation de son portefeuille de marques depuis une demi-douzaine d’années. La clientèle hôtelière, que nous interrogeons toute l’année, n’y comprend plus rien. Car au-delà des enseignes historiques et très connues comme Sofitel, Novotel, Mercure, Ibis, F1 (ex-Formule1) et Etap Hotel, leur accoler des MGallery, All Seasons, Pullman, etc. aux images floues et aux concepts trop intellectualisés n’avait pas de sens et était particulièrement compliqué à comprendre. »
Vous jugez « bizarre » la nouvelle stratégie d’Accor pour Ibis, première enseigne hôtelière en France. N’est-il pas pertinent au contraire de développer une marque qui est leader, forte en image et en notoriété plutôt que de conserver des enseignes au potentiel finalement faible et qui doublonnent un peu ?
-*«Effectivement, All Seasons est un ratage à tous points de vue. Et Accor, qui détient bien trop de marques et doit nécessairement en faire disparaître, avait tout intérêt à reconnaître qu’il fallait cesser toute obsession thérapeutique pour cette enseigne sans avenir. Etap Hotel, en revanche, a une notoriété forte (54 %), près de 440 hôtels et des taux d’occupation bons. Etap Hotel ne représentait pas une gêne. Ibis peut grossir, mais le risque que nous dénonçons est simplement celui de mettre Ibis à trois vitesses, avec 3 types de produits et 2 gammes. La clientèle a des chances de ne pas comprendre cette approche sur le terrain.»
-* «Cela est à comparer avec la quasiment même démarche lancée sur Mercure qui avait opéré de la même façon avec ses Relais, Mercure et Grand Hotel, avec même 3 gammes et positionnements. Cela avait fait l’objet d’un rejet par la clientèle. Et encore, contrairement à Ibis, Mercure avait déjà des hôtels différents les uns des autres et n’avait donc pas une image standardisée. Ibis est une offre facile à comprendre, monolithique car très normalisée et dispose de la meilleur notoriété du moment (85 % !), et ce depuis des années. Lui casser cette standardisation va perturber la clientèle. Sans parler du passage des Ibis à la 3e étoile… »

Le Panorama 2012 des chaînes hôtelières intégrées sur le site de Coach Omnium

{{Panorama 2012 sur les chaînes hôtelières intégrées}}

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Questions écrites à Mark Watkins : Jean-François Vuillerme

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